Mercredi 6 août 2025. Bingen, Allemagne. 5h. J’entends un miaulement étouffé qui vient de la caisse de Charlotte au fond de notre lit. Je m’assieds pour regarder, Charlotte est effectivement en train d’écraser Charlot, elle me lance un regard paniqué. Je comprends qu’elle ne sait plus où se mettre car de l’autre côté de sa boîte, il y a un nouveau chaton dans une auréole de sang et de liquide amniotique absorbé dans la lange. Je dégage Charlot, il va bien. Ce nouveau chaton par contre est complètement inerte. Son museau semble dégagé. Je tente un massage cardiaque en écrasant son thorax. Capucine avait étudié les gestes à avoir en cas de naissance difficile pour des chatons et nous avait tout expliqué. Mais rien n’y fait. Il est chaud mais complètement inerte. Est-il né mort ? Probablement puisque qu’il est né plus de 24h après ses aînés. Lui est-il arrivé quelque chose ? Nous ne le saurons pas. Il n’était pourtant pas insuffisamment formé comme Chaloupé. Il avait une belle taille comme Charlot. Il était tout blanc, avec un bonnet noir sur la tête, queue noire et deux tache noires sur le dos. Il aurait été magnifique. Et j’aurais vraiment aimé que Charlot ait un compagnon de jeu. Je le nomme Chagrin, l’enroule dans la lange sale et en replace une nouvelle. Chagrin.
Je caline ma Charlotte. Elle a dû souffrir, peut être avoir peur. Est-elle triste ? Elle semble apprécier le réconfort que nous tentons de lui apporter Pierre et moi. Elle ronronne avec son petit entre ses pattes.
Après un dernier somme, je sors du lit tôt. J’ai envie de démarrer une belle journée pour que le chagrin s’évapore. Charlotte est toujours aussi craquante à dormir avec son mini-bébé dans sa boîte. Elle se lève avec moi, mange trois croquettes et demande à sortir. Je coince Charlot sous mon pull, entre mon sein et mon épaule, bien calé il s’endort et je prépare le petit déjeuner. Ce matin, notre vue est toujours aussi magnifique, baignée dans une lumière diffuse. Le pain cuit. Je prépare le pique-nique.


Musée Hildegarde, à Bingen
Le programme du jour consiste en une grande balade entre la ville de Bigen, d’un côté du Rhin et l’abbaye de Sainte Hildegarde, de l’autre côté, ponctuée de la visite du musée du village, d’une traversée du Rhin en ferry et d’une montée en vieille petite télécabine au-dessus des vignes. Avec ce programme, les filles ne rechignent pas du tout devant les 10 kilomètres de marche annoncés. Elles connaissent cette Sainte, elles ont lu son histoire en bande dessinée et nous expliquent qui elle est. Nous déplaçons la maison pour que Charlotte et Charlot soient à l’ombre toute la journée et partons entre les vignes. Descente de la colline vers le village de Bigen. Arrivée au bord du Rhin en même temps qu’une foule de touristes qui s’apprête à embarquer dans une croisière pour la journée. Nous trouvons ce petit musée d’histoire locale grâce auquel nous pourrons en savoir plus sur la star locale, Hildegarde de Bigen.
Sainte Hildegarde, de Bingen
Hildegarde de Bingen est née en 1098, c’était une moniale bénédictine allemande à la fois abbesse, mystique, visionnaire, illustratrice, compositrice, poétesse… Elle est une figure de la médecine monastique de la fin du Haut Moyen Âge. Elle a écrit plusieurs livres dont un où elle décrit un grand nombre de remèdes à base de plantes, pierres et organes d’animaux. Ses connaissances sont issues d’études sur les savoirs de son époque, enrichis de ses observations naturalistes. Elle est tardivement canonisée par le pape Benoît XVI en 2012.
À l’entrée de ce petit musée, l’hôtesse nous propose un livret traduisant l’exposition en anglais. Nous prenons. En anglais, Pierre est plus fluide que moi et entame la traduction à voix haute, pour que tout le monde puisse suivre. Le document fait 30 pages, chaque panneau est traduit. J’essaie de distinguer les paragraphes essentiels des focus, de chercher un résumé… Pierre est lancé dans une traduction intégrale de la vie et de l’œuvre d’Hildegarde de Bingen. Je n’ose pas l’arrêter mais la lecture de la page Wikipédia de la Sainte m’aurait suffit. Capucine, Lison et Solène écoutent avec un respect absolu. Écoute studieuse. Monastique. Personne n’ose exprimer la moindre impatience devant le dévouement du père et l’exploit qu’il est en train de réaliser. Les explications sont précises, expertes, difficiles à traduire et bien trop complexes pour les non-initiés que nous sommes. Elles arrivent quand même à intéragir avec leur père en faisant des liens avec leurs connaissances. La vie d’Hildegarde, les pierres présentées, les instruments de musique de l’époque…
Je libère mon ascète du sac de pique-nique qui pèse sur son dos. Au bout de presque une heure d’écoute debout, elles osent aller chercher une chaise pliante pour s’asseoir et poursuivre cette immersion dans la vie de cette prédicatrice du haut Moyen-âge. Ils sont tellement mignons tous ensemble. Attentives et soûlées, sages et impatientes que ça soit terminé. Elles se décomposent progressivement. Solène s’avachit sur le bras de son père. Lison s’assoit sur son tabouret de mille manière, comme si c’était un mur d’escalade. Capucine check les notifications de son téléphone discrètement, comme si personne ne la voyait. Pierre poursuit sa lecture, impassible. Ça me fait tellement rire. Je me retiens un moment et je finis par exploser de rire, en silence car nous sommes dans un musée, mais je ne peux plus me retenir devant cette scène irréelle. Pierre avoue lui aussi son ennuie et sa fatigue devant l’exercice. Il saute enfin quelques paragraphes pour trouver, sur la 29ième page… le résumé !



Traversée du Rhin en bac, de Bingen à Rüdesheim
C’en est enfin trop pour la troupe. Nous terminons les dernières salles du musée au pas de course en sortons de là. Il est midi et demi, l’ado pense que nous allons enfin manger. Non ! On mangera sur la montagne d’en face, devant la vue ! Elle se décompose. Je la nourris un peu, un bretzel et c’est reparti. Direction le ferry. Un petit ferry à voitures, vélos et piétons qui fait des aller-retours toute la journée entre les deux rives du Rhin. Un joli village typique. Des maisons à colombage. Une ruelle pleine de petits restaurants.






Téléphérique vers le temple de Niederwald
Des mini-cabines qui semblent avoir un siècle. Nous voilà nous envolant au-dessus des vignes. C’est drôle, agréable et le paysage est vraiment très beau. J’apprécie beaucoup le moment.





Arrivés en haut de la montagne, pique-nique ! Non ! Il y a trop de monde sur ce point de vue, commençons notre chemin jusqu’à trouver un endroit à l’ombre et avec de la vue. Capucine proteste en rigolant. Une bordure de chemin sous les arbres, les vignes devant nous, la pause est vraiment agréable.
Abbaye de Sainte-Hildegarde d’Eibingen
Deux petits kilomètres jusqu’à l’Abbaye de Sainte Hildegarde, et ses belles fresques peintes sur du bois. L’église met en avant beaucoup de saintes, c’est suffisamment inhabituel pour être souligné. Moniale féministe. Pierre s’offre 3 bouteilles de vin produits par les sœurs. Blancs perlés. Encore deux kilomètres pour redescendre au village et à son ferry.




Les trois sœurs marchent joyeusement en se racontant des blagues. Ça fait plaisir de les observer prendre plaisir à passer du temps ensemble, ça commence à devenir plus rare hors temps de Carapate.

Une dernière mini-traversée en ferry et une dernière pause bien méritée sur une belle terrasse en bord de Rhin pour un tant attendu EisCaffé. Le moment est délicieux. Lison passe la commande en allemand. Du sucre et du café, c’est tout ce qu’il nous fallait pour se donner un petit boost avant de commencer la seule partie un peu physique de cette randonnée : deux derniers kilomètres, tout en montée jusqu’au camping-car.



Charlotte est contente de pouvoir sortir pendant que nous nous sacrifions pour s’occuper à tour de rôle de son tout-petit. Charlot est toujours aussi craquant dans le creux de nos mains. Ce chat, au moins, aura pris l’habitude d’être câliné par l’humain. Point prénoms. Aujourd’hui son défendus les prénoms : Charlot, Kaiser Châtaigne et Choubidou.
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