Nos jours d’après

Dimanche 23 août 2020. Le Pouget de Fridefont, Cantal. Un dernier pain chaud et croustillant. Je transmets mon four et mon levain à Émilie. C’est à son tour maintenant de régaler sa famille. Il lui faut déployer tous les moyens possibles pour contaminer son mari à la vie en camping-car.

Un petit déjeuner partagé à la fraîcheur du point du jour. Un selfie-familles. Et la Carapate prend son dernier départ suivie de près par le petit van de Niki et Roland. En amoureux de l’Aveyron que nous sommes, nous avions calculé notre itinéraire pour passer par Laguiole où nous avons quelques bonnes adresses. Une brioche aux pralines chez Auriat. Une saucisse au Roquefort chez Conquet. Nous voilà de retour. Le reste du chemin, nous le connaissons par cœur. Cette route, je l’ai faite tous les jours pendant deux ans quand je travaillais chez Jeune Montagne à Laguiole, cette fromagerie qui produit entre autres notre célèbre Aligot de l’Aubrac. Cette route, c’est aussi celles de nos vacances d’hiver que nous aimons passer à la station de ski de Laguiole. Les souvenirs remontent. L’émotion aussi. Espalion. Bozouls. Sébazac.

Retour à la maison

La voilà notre Cathédrale, toujours là depuis des centaines d’années. Place de la Madeleine, Damaris et ses enfants nous attendent. Alain et Maryline arrivent. Niki est Roland sont toujours avec nous. Agathe sort nous saluer. Nancy, notre prof d’anglais qui nous a préparé à ce voyage est là aussi. Et moi ? Bah,… je pleure de joie.

Alain nous ouvre la porte de notre maison. Ça sent le pin du plancher. Cette odeur de pin qui nous a accompagné au fil du voyage. C’est pour ça que je l’aime tant. Tout est propre, bien rangé. Pas vraiment vide parce que plein de bazar a déjà atterri sur la table du salon. Nous rangerons cela plus tard. Pour l’instant nous sommes attendus pour déjeuner chez d’autres amis. Stéphane et Yann devaient partir en vacances ce matin, ils ont décalé leur départ pour nous revoir. Nous nous installons sur leur terrasse. Ouvrons quelques bières allemandes. Faisons goûter nos poufoulets de Roumanie. Les enfants ont changé, les plus grands rentrent au collège. Une nouvelle tranche de vie qui s’ouvre à nous tous. Jocelyn, 11 ans, est désormais plus grand que moi, mais il triche, il n’a pas enlevé ses claquettes.

Après les retrouvailles, s’en suivront trois jours de rangement. Il faut vider l’Emile-Pat, puis vider nos caves pour remplir la maison. C’est un sentiment compliqué. D’un côté nous n’avons pas envie de réinstaller toutes nos affaires. Nous avons vécu avec trois fois rien pendant un an, pourquoi aurions nous maintenant besoin de tout ce bazar ? D’un autre côté, nous remettons finalement chaque chose à sa place. Après s’être souvenu de la place de chaque chose, ce qui n’est pas facile. « Mais où on le rangeait ça, déjà ?… » Nous avons perdu nos repères. Nous flottons dans cet appartement. « Qu’est-ce que j’étais en train de faire ?… ». Pierre est allé stationner temporairement l’Emile-Pat à la piscine, là où nous avions passé notre toute première nuit de Carapate, comme si rien ne s’était passé. Alain nous avait rappelé à temps qu’il fallait réactiver l’abonnement pour l’électricité. Ça avait pu se faire à distance, en moins de 24h. Mais pas pour le gaz, il faut attendre le passage d’un agent la semaine prochaine. Résultat. Pas de gaz dans la cuisinière et pas d’eau chaude. Nous avions plus de confort dans notre Émile-Pat. Heureusement Stéphane nous a donné les clefs de chez elle pour que nous puissions nous doucher. Et pour manger, nous retrouvons notre four avec bonheur. Poulet rôti et tartes à gogo pendant trois jours.

Du côté des filles, c’est la fiesta. La joie de retrouver chaque jeu, chaque livre. Et chacune son grand lit. Capucine prend soin de décoller toutes les décorations de son lit de voyage pour les recoller dans son lit de maison. Elle y ajoute même un rideau avec une couverture glissée entre les lattes du lit d’au dessus. Besoin de garder son antre cachée. Besoin de préadolescente. D’ailleurs, elle n’aura passé qu’une seule nuit dans son lit, deux chez ses amis. Son copain Étienne lui fera visiter la ville tout seul tous les deux. Ils ont grandi.

Solène et Lison aussi ont grandi. Quand je m’efforce à tout remettre en place pour reconnaître ma maison, ces enfants là, assis à table, ne sont pas ceux qui vivaient là à notre départ. Solène court partout et passe les escaliers avec légèreté. Lison redécouvre tout. « Ha mais on avait un four ! Je ne me souvenais plus !… ».

Check-up en famille chez notre médecin. La croissance des filles est dans la norme. Les oreilles de Lison vont bien. La puberté est confirmée chez Capucine, un traitement pour l’acné. Notre médecin est fatigué. Il a passé la pire année de sa vie professionnelle. Il a vu monter l’anxiété, la peur et la violence. C’est un médecin de famille qui nous est devenu si proche.

Après le médecin, c’est chacun qui nous racontera son année. Nous, nous avons déjà tout raconté de notre voyage, nous avons besoin de prendre des nouvelles de chacun. Certains l’ont bien vécue. Pour beaucoup ça a été difficile. Voir dramatique. Nous plongeons après tout le monde dans ce monde d’après, pétri d’incompréhension et d’angoisse. Après les retrouvailles à Rodez, vient le temps des retrouvailles à Mazamet, chez les parents de Pierre. Nous y descendons en camping-car, notre voiture est là-bas. Les filles sont si heureuses de retrouver leur Mamette et leur Pépé. Un tour des copains. Une soirée avec les frangins et cousins. Ça rigole à tout va. Que c’est bon d’être ensemble.

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6 réponses à “Nos jours d’après”

  1. Avatar de Marie-Claude

    Vous allez me manquer ! J’espère que vous continuerez de nous faire partager vos expériences, avec la période de réadaptation à votre nouvelle vie… Merci pour tous ces récits, qui m’ont permis de continuer à voyager virtuellement, la source des blogs de voyage s’étant pratiquement tarie.

  2. Avatar de olivier

    Bonne rentrée et merci pour votre récit rafraichissant pour ceux qui sont rentrés plus tôt de leur périple!

  3. Avatar de Creusoise
    Creusoise

    Les billets quotidiens de la Carapate vont me manquer ! Les jolis sourires de Capucine, Lison et Solène aussi !
    J’espère que vous continuerez à donner des nouvelles, notamment de la réadaptation à la vie aveyronnaise après cette année de Carapate !

  4. Avatar de p. Raphaël Bui

    Votre Carapate nous a tenu en haleine en nous procurant un magnifique moyen de déconfinement. Ce fut un bonheur de vous lire, de partager vos rencontres, d’admirer avec vos yeux tous ces beaux lieux d’Europe, mais aussi de voir grandir vos filles !
    La dernière newsletter de la paroisse de Capdenac s’intitule « Une Église en sortie », selon une expression du pape François dans « Evangelii Gaudium » (son exhortation « La joie de l’évangile ») et vous l’avez incarnée !
    Merci et bravo à vous tous !

    1. Avatar de Pierre
      Pierre

      Merci beaucoup Raphaël pour ton soutien et ton enthousiasme.
      Lors de notre mariage nous avions parlé de la maison bâtie sur le roc ; et lors de son homélie, le prêtre Jean-Louis nous avait dit de ne pas oublier de garder la tente dans le sac à doc pour « sortir » justement de temps en temps. Marcher, rencontrer et témoigner.
      A très bientôt.

  5. Avatar de PICORY
    PICORY

    Un grand merci pour ce que vous nous avez fait vivre. Votre enthousiasme, spontanéité, naturel, GÉNÉROSITÉ… J’ai pris le train (heu camping-car) en marche et vais reprendre le voyage au début. J’ai pris grand plaisir à vous suivre et engrangé plein de renseignements, tuyaux, idées… pour mon voyage qui sera plus cool, très semblable au votre mais je le prévois sur 3 ans, départ début novembre. Au regard de vos divers aventures de confinement… je vais commencer par un tour de France en attendant que les choses se « calme ». Profitez bien de votre retour (famille, amis, maison, Rodez et son marché…) mais j’ai le sentiment qu’à l’approche du printemps vous aurez des fourmis dans les pneus. Encore un grand merci et surtout prenez soin de vous, primordiale pour vos futures Carapates que je ne manquerais pas de suivre d’où que je sois. Encore un grand merci.
    Christine

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