Le monde de nos mains

En 2020 nous avions débarqué ici pour changer d’air après 7 premières semaines de confinement à Snagov. La Roumanie n’avait pas encore déconfiné. Nous avions découvert la vie de simplicité et d’autonomie de Bertha et Feri. Un choix de vie. Un pari. « World is going crazy, we want to live by our own, in harmony with nature and animals ». En 2020, nous avions l’impression de plonger directement dans ce monde d’après dont on parlait alors, un monde plus simple, plus lent, plus respectueux de la nature. Moins consommateur de produits inutiles. Plus connecté à l’essentiel. Le silence. Le rire des enfants. Le faire avec ses mains.

Aujourd’hui le monde s’est appliqué à retrouver sa vie d’avant confinement. Qu’est-ce qui a vraiment changé ? Qu’est-ce qu’il reste de notre rêve collectif de « monde d’après » ? Partager quelques jours avec Bertha et Feri nous a ramené à l’essentiel. Vivre doucement. Prendre soin de ses enfants. Découvrir l’autre si différent. Découvrir que nous partageons tellement de choses finalement.

Ces quelques jours ont été rafraîchissants. Bertha et Feri nous prouvent avec humilité que l’on peut vivre avec rien. Et avoir une vie infiniment pleine et riche. Ils ont une source pour l’eau. Une forêt pour le bois de chauffage et de cuisson. Leurs mains pour travailler la terre, construire leur maison et toutes ses extensions, pour fabriquer toutes sortes d’artisanat qu’ils vendent et qui leur permet d’acheter ce qu’ils ne produisent pas. De la farine de blé, du sucre de canne,… Mais aussi un ordinateur, internet, un téléphone,… Ils ne sont pas coupés du monde pour autant.

C’est l’équilibre qu’ils ont trouvé. Et d’une certaine manière, c’est rassurant. Je repars d’ici avec le sentiment que le monde peut s’écrouler, devenir fou ou brûler, subsisteront ceux qui réussiront à s’adapter et à vivre plus humblement. Alors je prends notes. Je m’inspire. Je continue ce chemin auquel j’aspire.

Le foin avant la pluie

Samedi 6 août 2022. Firtușu, Roumanie. La matinée est consacrée au foin. Il faut maintenant rassembler les petites montagnes faites hier. De la pluie est annoncée pour la fin d’après-midi. Les filles aident les parents. Pierre et moi, n’étant pas au courant du programme, étions partis nous balader dans la montagne. Capucine nous appelle, Lison s’est planté la fourche dans le mollet. La blessure n’est pas très importante, mais nous redescendons vite la soigner. C’est propre, ça ne saigne pas. La pointe de la fourche est passée sous quelques millimètres de peau. Bétadine pour désinfecter. Un steryl-strip pour refermer. Un gros pansement pour protéger. C’est dangereux la vie à la campagne !

Activité poterie

Mais le foin est rassemblé, bâché. Les filles s’offrent une baignade dans la mare boueuse pour se rafraîchir. Boue qui sera utilisée tout l’après-midi pour une activité poterie. Travailler la terre.

Après une petite pluie fine et insuffisante, nous dînons ensemble. Les adultes (et les ados) prolongent le repas pendant que les enfants (les plus petites) s’engagent dans une folle partie de rigolade. Que ça fait plaisir de les entendre rire autant.

Infusion aux feuilles de cassissier

Dimanche 7 août. C’est notre dernière journée à Firtos. Nous avons invité Bertha chez nous, à prendre un café. Elle arrive avec une petite tasse de lait de chèvre. Et une grande branche toute feuillue sur l’épaule. « Here is Blackcurrant, for your tea ». Quelques recherches, nous comprenons enfin qu’il s’agit de cassissier. C’est l’infusion qu’elle nous a faite toute la semaine, et c’est délicieux. Une nouvelle découverte.

Dans l’Emile-Pat, Bertha regarde toutes les cartes postales qui retracent nos Carapates, toutes les villes, les œuvres d’art, les monuments que nous avons vus. Juxtaposés sans autre ordre que l’harmonie de leurs couleurs. C’est impressionnant à regarder. Bertha aimerait aussi voyager avec ses filles, comme elle-même a voyagé avant, mais celles-ci n’en ont pas envie. Pas encore. Elles aiment trop leur coin de nature et leurs chevaux.

L’après-midi je propose un atelier dessin et peinture, mais non, c’est la poterie qui reviendra sur la table. Chacune se régale à malaxer et mettre en forme. Un dernier gâteau au chocolat. Avec du beurre et du sucre. Evil cake.

Tissage

À 17h, Bertha nous appelle pour le dîner, nous avons encore du chocolat dans la bouche. Décidément, on mange à n’importe quelle heure ici. Bertha a préparé une soupe de fruits. Pour le dîner. Elle propose heureusement de passer à table plus tard, quand les estomacs auront faim. Les filles poursuivent leurs jeux. Lison demande à apprendre à tisser. Bertha lui fait poursuivre un travail en cours, une sangle colorée. Ça lui sert pour les petits violoncelles que fabrique Feri, mais aussi de ceinture. Lison en rêvait d’apprendre cette technique.

Veillée musique traditionnelle

La soupe de fruits était délicieuse. Et la soirée se poursuit autour de nos chants et de nos mélodies. Notre brise-pieds aveyronnais fait partie de leur répertoire de chants traditionnels. Elles nous chantent aussi une marche russe, une mélodie que Capucine a appris à l’accordéon. Incroyables points communs. Une longue soirée. Le monde peut s’endormir paisiblement.

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Une réponse à “Le monde de nos mains”

  1. Avatar de creusoise
    creusoise

    une belle dernière journée là-bas !
    Je ne sais pas si c’est Céline (my first feeling) ou Pierre qui a écrit mais ici aussi nous avions cette idée d’un monde d’après qui pourrait revenir à l’essentiel, briser le cercle vicieux de la course au « progrès » et à la consommation … et nous sommes déçus On a injecté des sommes folles pour sauver voitures et avions au lieu de privilégier l’installation de petites structures de productions locales etc et Maintenant , beaucoup reprennent leur vie d’avant , voyages lointains , surconsommation …
    Ici nous sommes loin de vivre en presque autarcie comme Bertha et Feri mais c’est un début . Nous avons acheté une maison ancienne en Creuse il y a 16 ans; je voulais prendre ma retraite au vert, au calme , au moins pollué , moins peuplé etc ; ma fille a acheté avec moi ; elle aussi aspirait à autre chose ! et nous avons fait 2 habitations dans le même bâtiment. Depuis , elle a rencontré quelqu’un qui avait les mêmes aspirations et ils ont eu deux filles qui ont maintenant 11 et bientôt 13 ans. Nous avons de l’espace, un peu d’arbres, une source que nous allons faire aménager . ma fille fait un potager en permaculture; moi je m’occupe de l’instruction de mes deux petites filles ; nous avons tout le nécessaire mais sans plus.

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