L’autre plage des Cathédrales

Jeudi 3 août 2023. A Rochela, Espagne. C’est Pierre qui nous réveille. Il part chasser les mûres. Moi je fais petit-déjeuner ma troupe avec enthousiasme, nous avons calculé que si la mer était basse à 12h20, nous pouvions être sur la plage vers 9h30 pour en profiter un maximum.

Je fais cuire mon pain de bonne heure, en imaginant avec plaisir que l’odeur du pain chaud aille titiller les narines de nos voisins qui sont toujours garés bien trop près de nous. Et puis tout d’un coup une camionnette folle traverse notre champ-parking en klaxonnant avec insistance. Qu’est-ce qu’il a lui ?

Petit déjeuner gourmand

Ha oui, c’est le boulanger ! Il vient nous livrer du pain frais, directement au pied des campings car. Il a trouvé un bon filon, nous sommes tellement nombreux sur les 3 ou 4 parkings du site. Mon pain à moi, en plus d’être fait du jour, est tout chaud. Mais je ne dis pas non pour une viennoiserie. Un napolitain, chocolatine géante. Et deux petits pains au chorizo, quelle bonne idée ! Avec un tel petit-déjeuner, nous sommes prêts pour passer toute la journée à la plage ! Pierre nous rejoint avec un bol plein de mûres, il s’enfile un napolitain géant, et nous partons.

La plage des cathédrales

Arrivé sur le site, à quelques centaines de mètres de là, nous découvrons qu’un agent vérifie les tickets d’entrée. Je comprends de suite qu’il fallait réserver, et il me le confirme. L’entrée est gratuite, mais les places sont limitées. C’est très bien pour préserver le site de la sur fréquentation, mais reste-t-il des places pour aujourd’hui ? Non, les 15 prochains jours sont complets.

Douche froide. Mon point cœur, mon objectif de ce voyage, est raté. J’avoue que j’ai du mal à digérer, je suis au-dessus de cette plage et je ne peux pas y descendre. Je broie du noir.

Par dépit nous rejoignons notre plage de la veille, peut-être qu’à marée basse nous pourrons accéder aux Cathédrales ?… Je n’y crois pas vraiment, ce serait trop simple, les personnes qui ont protégé le site ainsi n’ont pas pu laisser un passage si facile. Mais notre plage était belle et à marée basse il doit y avoir plein de rochers à explorer.

L’autre plage des cathédrales, accessible

La joie nous revient vite au premier rocher émergé. D’abord dans une flaque, où nous trouvons, comme à l’aquarium de Gijón, quelques crabes, des crevettes transparentes, des anémones de mer qui attrapent notre brindille quand nous les titillons, de jolies moules miam et si j’en prenais une poignée pour ce midi ? Et Oh merveille… Des pousse-pieds !

Les pousse-pieds sont des mollusques très rares et très prisés. Ils ressemblent à des griffes de dragon qui sortent par touffes des interstices des rochers. Je n’en ai jamais mangé, et j’ai très envie de goûter. Une rapide recherche sur internet, pour confirmer leur identification, et pour savoir comment les cuisiner. 

Les pousse-pieds

Les pousse-pieds vivent sur des rochers schisteux et battus par les vagues. Il y en a en France, mais c’est en Galice qu’ils sont les plus nombreux, les plus connus et appréciés. Ils sont protégés, pas plus de 3kg par jour et par chasseur. Une minute à l’eau bouillante, ils sont prêts à être dégustés. 

Sur ces rochers, il y en a vraiment partout, en très grand nombre. Je me dit que je peux en prélever une poignée juste pour mon amoureux et moi. Il n’y a plus qu’à les décrocher de leur rocher ! Oui, sauf que c’est là que les choses compliquées commencent. Je n’ai évidemment pas de couteau sur moi, et avec les ongles, on y arrive mais c’est compliqué. Leur unique pied est comme cimenté au rocher. Je trouve quelques déchets de plastique sur la plage pour me faire un outil et décrocher ces pieds, ils se cassent avant le pousse-pied.

Les filles regardent mon étrange manège, elles sont horrifiées à l’idée de manger ces griffes de dragon. Certaines ont de petites lèvres rouge sang qui apparaissent entre leurs carapaces de calcaire.

“Mais j’ai nos opinels dans le sac !” se souvient subitement Capucine me voyant galérer. Pourquoi a-t-elle des opinels dans son sac de plage ? Une aventurière a toujours un opinel dans son sac. Le couteau rose à bout rond sera parfait pour leur faire le pied.

Au pied des falaises, à marée basse

La mer basse nous ouvre progressivement le chemin au pied des falaises. Pas côté ouest, plage des Cathédrales où les vagues nous empêchent de passer. Mais la côte est est accessible. Et franchement, elle est certainement tout aussi belle. Hautes falaises de schiste, brun-rouille, merveilleusement rayées. J’aime éperdument cette esthétique. Une multitude de grottes et d’entrailles sont à explorer.

Chacun s’y aventure avec un brin d’inquiétude. Que va-t-on trouver dans ce boyau obscur ? Parfois un chaos de galets venant d’on ne sait où. Parfois un lac souterrain. Les falaises ont décroché plusieurs blocs de rochers échoués sur le sable. Parfois elles forment un pont. Et partout, partout des pousse-pieds. La mer qui se retire laisse une surface de sable fin et mouillée qui reflète le soleil des nuages gris. Ce paysage est incroyable. Lunaire.

Les filles gambadent, sautant une rivière, plongeant dans une flaque. Elles courent, elles tournent, elles rient. 

Et le pied, finalement, c’est que nous sommes quasiment tout seuls à profiter de l’endroit. Après avoir fait toute la côte est et être revenu sur nos pas, nous retrouvons notre plage envahie d’une foule de visiteurs arrivant de la plage des Cathédrales. Le passage ouest est maintenant accessible, mais il y a tellement de monde que nous n’avons plus du tout envie d’y aller.

Déjeuner tout frais cueilli

Pour le déjeuner de midi, nous avons donc quelques moules, quelques pousse-pieds et un énorme panier de mûres. Il ne me manque plus qu’à régler ce problème de vue du salon chez les voisins et le moment sera parfait. Le champ-parking s’est un peu vidé, je recule ma maison, quart de tour à droite, et j’avance pour me mettre au fond du champ, salon face à la plage. Plus précisément face aux herbes hautes, la plage et en contrebas. Mais c’est mille fois mieux comme ça, je me sens enfin chez moi.

Je cuisine mes moules comme je sais le faire, ail et oignons revenus, moules jetées dedans, le tout déglacé à la bière. J’y ajoute mes pousses-pieds préalablement cuits 1 minute à l’eau bouillante.

Pendant ce temps, Lison réessaye de faire du cerf-volant sur notre champ-parking, mais on voit que ça fait longtemps qu’on n’en a pas fait, avec Capucine elles n’y arrivent pas vraiment. Pierre a fait des pâtes pour les enfants qui ne sont toujours pas décidés à manger des griffes de dragon. Nous nous régalons.

La griffe de dragon ne se mange pas, l’animal y filtre l’eau de mer pour manger, et il y a des résidus de sable. Seul le pied se mange, après avoir enlevé la membrane élastique qui a durci à la cuisine. Autant dire, pas grand chose. Comme les moules. Notre poubelle de table est aussi pleine que notre casserole.

Jeu créatif sur la plage

Après déjeuner, je retourne profiter de notre plage avec les filles pendant que Papa se plaît à rester seul avec ses mûres. Capucine embarque ses sœurs dans une longue partie de jeu de course d’obstacles. Je ne sais pas vraiment si elles sont des chevaux ou des chiens. Elles ont construit une série d’obstacles en bois flotté, défini un parcours et se prennent en photo courant et sautant. C’est devenu rare de les voir jouer ensemble si longtemps. 

Pendant ce temps, la mer monte et va nettoyer leur terrain de jeu. Nous nous acharnons à construire une protection pour l’un des obstacles, mais les éléments sont plus forts. Les vagues balayent tout sur leur passage. Lison et Solène s’amusent alors à attraper les petits bouts de plastique charriés. Cueillette fructueuse.

Direction cap de Bares

Il est tard quand nous rentrons. Mais il est tard tous les jours en Espagne, nous avons le temps. Nous prenons la route pour un nouveau spot, un bout du bout du monde de l’Espagne. Nous atteignons le cap de Bares, point le plus au nord de la péninsule ibérique.

Nous sommes à 100 mètres d’altitude au-dessus de la mer, un beau parking, le phare plus haut dans les bruyères. Nous faisons notre sketch habituel pour nous garer. Je tiens à ma vue, Pierre tient à son sommeil et veut poser la maison face au vent. Après quelques tergiversations, nous finissons par trouver un terrain d’entente.

Nous n’avons pas la vue face à la mer, mais face à la montagne. Et c’est bien aussi. Sortons pour apprécier la vue. Lison reste à l’intérieur, elle assouvit sa passion du moment : le crochet. Et l’ado est au téléphone avec une amie. Mais Solène est partante, toujours partante. Après le joli phare, le sentier se poursuit tout au bout du bout du monde.

La nuit, nous pourrons voir notre phare s’allumer et répondre à ses voisins de l’est et de l’ouest. 

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2 réponses à “L’autre plage des Cathédrales”

  1. Avatar de creusoise
    creusoise

    Coucou la carapate ! j’ai reçu les avis des nouveaux posts et viens donc de les parcourir. … même si ce sont les vacances de l’été dernier ça fait plaisir de vous retrouver ! Contente de vous voir en forme et de constater que vous avez toujours Basile. Solène a bien changé ! Bonnes vacances et bonnes fêtes à toute la famille !

    1. Avatar de pierre

      Bonjour et merci. Oui ce sont des “vieilles” vacances. Si vous souhaitez lire une aventure en direct, suivez le frangin sur https://lacastouille.com ! Ils sont actuellement en Turquie. Bonnes fêtes.

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