Dimanche 2 août 2020. « Ha bon, on prend le ferry ? ! » s’est exclamée Lison qui n’avait rien vu venir. Ho, ce n’est pas un ferry, juste un bac pour traverser le détroit de Memel. Mais quand nous expliquons où nous allons, tout le monde saute de joie. L’isthme de Courlande, nous en parlons depuis bien longtemps. Nous l’avions découvert il y a plusieurs années, lorsque nous préparions l’itinéraire. Cette immenses langue de sable et de pins est réputée pour son ambre, mais également pour son environnement exceptionnel, lieu de passage des oiseaux migrateurs.
Pénisule de Courlande
La légende raconte que la péninsule de Courlande a été faite par un géant, Neringa, fille de Karvaiitis. Lorsque les dieux de la mer de Prusse, en colère, déclenchèrent une tempête, Neringa, créa une barrière de sable pour protéger la population, faisant un endroit sûr pour les pêcheurs locaux contre les tempêtes et les horribles monstres marins. Neringa est aujourd’hui le nom de la municipalité de l’isthme côté lituanien qui rassemble plusieurs petits villages.
Au XIIIème siècle, ce sont les chevaliers de l’ordre Teutonique qui s’installent ici en premier, construisant plusieurs châteaux. Les populations locales ne s’y installent qu’à partir du XVème siècle, les Kuršininkai, une tribu balte venue de la côte littorale nord de la Lituanie, essentiellement de pêcheurs. Leur isolement les a conduit à créer des bateaux et habitations très spécifiques, que l’on ne trouve qu’ici en Lituanie. Toits recouverts de roseaux, girouettes, décorations sculptées,… À cette époque, l’ensemble de l’isthme était recouvert de forêts.
Puis les coupes de bois pour le pâturage et la construction de navires ont laissé la place à l’érosion éolienne et à des mouvements de dune qui entraînèrent l’ensevelissement de villages entiers. Il y aurait aujourd’hui quatorze villages enfouis sous le sable. Depuis 1825, les habitants de l’isthme se sont engagés dans un vaste projet de revégétalisation et de reforestation, sous l’impulsion opiniâtre d’un employé des postes, Georg Kuwert, et de son père Gottlieb. Sur plus d’un siècle, des centaines de personnes se sont relayées pour d’abord fixer les dunes avec une variété d’herbe des sables aux racines profondes, puis pour planter plusieurs sortes de pins et de bouleaux sur des milliers d’hectares. 70 % de l’isthme est désormais couvert de forêts.
Juodkrantė
Nous commencerons notre découverte par le petit village de Juodkrantė. Une longue promenade aménagée court le long de la lagune. Une seule route traverse le village et de l’autre côté, un alignement de jolies maisons en bois. Tout est très bien entretenu et rénové avec goût. On sent que l’endroit est touristique mais un tourisme raisonné. Les logements, s’ils ne sont pas anciens et rénovés, sont neufs et respectueux des traditions locales. À l’orée du village, il y a la colline des sorcières. Un parcours sous les pins ponctué de multiples sculptures en bois représentant les légendes et les croyances des populations de l’isthme. Nous y retrouvons évidemment Neringa, et sa dune protectrice, ainsi qu’une multitude d’autres personnalités féeriques. C’est un véritable amusement pour les filles qui se plaisent à prendre la pause avec chacune des sculptures. Solène adore cette histoire de sorcières qui mangent des enfants. « Mais moi, je vais chez les sorcières le jour, quand elles dorment, alors elles ne m’attrapent pas les sorcières, na na nère ! ».
Au retour, nous nous arrêtons dans l’une de ces drôles de petites boutiques. « Zupis ». Soupe. On dirait que des particuliers ont transformé une partie de leur maison en mini boutique. Parfois, juste une fenêtre qui donne sur la route principale. Dans leurs petites vitrine réfrigérée, pas de soupe mais du poisson fumé. Ha, ça, il faut essayer. Je choisis un gros bout de poisson blanc. Pierre, quelques tentacules de poulpe. Les filles sont dégoûtées. Et comme la vendeuse est sympa, elle nous offre une tentacule à grignoter comme ça, « to take away ». Merci ! Aciû ! Dit-on ici. Bon, certaines auront fait l’effort de goûter mais juste pour la photo. La tentacule, c’est Pierre qui se la mangera en chemin. Nous rejoignons notre spot, un parking de plage sur la façade ouest de l’isthme, côté mer Baltique. Après le repas, la balade sur la plage est un délice. À l’horizon, le ciel se fond dans la mer. Les couleurs sont douces, pastels. La plage est infinie.
Lundi 3 août 2020. Notre beau temps s’en est allé, pas notre bonne humeur. Même pas peur d’aller se baigner sous ces gros nuages gris. Les petites enfilent leurs combinaisons, allons-y. L’eau n’est pas si froide.
Sur la dune grise
La visite de la journée sera l’ascension de la dune grise, l’une de ces énormes dunes de l’isthme contre laquelle les populations locales ont lutté. Trois anciens villages sont recouverts par son sable. Pour s’y rendre, le parking est minuscule et nous ne sommes pas les seuls à avoir prévu cette balade aujourd’hui. Nous trouvons à nous stationner sur un autre parking de plage, trois kilomètres plus loin. Tant pis, on y va à pied ? Partout sur l’isthme des pistes cyclables relient les plages et les villages. Partout, sauf ici. La piste est en cours de construction mais pour l’heure, ce n’est qu’un chemin de sable. Le sable ou la route ? Le sable, tant pis. Trois kilomètres de marche dans du sable bien meuble, c’est un peu difficile. De surcroît quand il faut prendre garde aux énormes araignées qui ont tissé leur toile en travers du chemin. Heureusement quelques framboises ponctuent notre avancée et donnent du courage aux filles. Au bout de cette piste, ça y est, nous sommes arrivés au départ de la randonnée ! Il n’y a plus qu’à gravir la dune, hourra ! Ici, nous entrons dans une réserve naturelle strictement gardée. Caisse à l’entrée, interdiction de quitter le chemin. N’en déplaise aux grincheux, le paysage est magnifique. La dune grise, recouverte de lichens et d’herbes sèches. En haut des passerelles, les chemin n’est plus que sable. Tout le monde quitte ses chaussures et plus si affinité. Lison est en caleçon, Solène en culotte. Roulades et glissades. Elle se sont transformées en félins rugissants. Menaçantes mais tout de même en culottes roses. Qu’elles sont drôles.
En haut, le spectacle c’est de voir face à soi la lagune de Courlande, de se retourner, et de voir de l’autre côté la mer Baltique. On ne nous a pas menti, nous sommes bien sur une étroite langue de terre. Et malgré les lourds nuages, c’est très beau.
La redescente se fera en courant et pour rentrer, pas question de reprendre ce chemin de sable. Suivons la piste cyclable jusqu’au village. Nous traversons les immenses et magnifiques forêts de pins et de bouleaux d’un pas rapide. Même pas fatigués. Derrière, Solène raconte des histoires à son Papa. Elle non plus n’est pas fatiguée. Ayant rejoint la route transversale, Pierre part chercher l’Emile-Pat et je poursuis avec les filles jusqu’au village. Pervalka, adorable petit village de vacances. Toutes les maisons ont gardé leur style bien local, bois coloré et frises décoratives. Toutes sont habitées, louées par des vacanciers. Les enfants jouent dans les rues. Les feux brûlent dans les barbecues. Ambiance familiale. Pierre a trouvé un petit parking au bout de la rue, il y a posé notre maison entre une belle maison bleue-prusse et une belle maison bleue-grise. Une douche, une robe, ce soir, nous sortons. Pour une nuit nous habitons ici, et comme tout le monde, nous allons manger au restaurant à poissons du village. Promenade le long de la lagune. Table face à la vue. Prix très corrects. Poisson frais merveilleusement bien cuisiné. Nous sommes enchantés.
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