Les plages Baltes et la folie de l’ambre

Samedi 1er août 2020. Sīkrags, Lettonie. Matin plage et après-midi plage. Un parfait programme pour débuter ce mois d’août. Mais d’abord, nous avons quelques groseilles à transformer en confiture, ça sent bon dans notre petite maison.

Sur la plage, les enfants s’embarquent dans leurs jeux, les parents s’aventurent à l’eau. Les vagues sont fortes mais la mer n’est pas profonde. Deux petits poissons amorphes, attrapés comme ça, à la main, viendront apporter un brin de magie à l’imaginaire des filles. Et puis nous partons, nous voulons avancer et rejoindre simplement une autre plage. À Ventpils, pause pique-nique dans un parc où une fête estivale est installée. Concert et stands de bouffe. Un petit tour aux jeux d’enfants pour le plus grand bonheur de Solène toujours à la recherche de nouveaux exploits à réaliser. Ici, descendre seule la barre de pompier. Il a grandi mon ouistiti.

Notre nouvelle plage se situe dans un secteur où il est possible de trouver de l’ambre. La fameuse ambre de la Baltique. Oui, mais comment faire… À quoi ressemble l’ambre trouvée brute sur la plage ? Sur internet, les informations que je trouve sont contradictoires, les unes parlent d’amas de sable, d’autre de cailloux remontés par la mer. Quoi qu’il en soit, je suis sceptique sur notre capacité à trouver de l’ambre comme ça, juste sur une plage. Mais je regarde quand même.

Et puis des amis nous appellent. Pas que pour prendre des nouvelles, surtout pour nous expliquer que d’autres amis traversent une tempête dans leur couple. Nous passons du temps à parler ensemble. Cette nouvelle nous assomme. Comment jouer notre rôle d’amis avec intelligence ? Comment être présent en étant distant ? Comment leur parler ? D’abord, nous avons besoin de digérer la nouvelle. Je pars parcourir la plage en regardant les cailloux. Pierre s’enterre dans le sable sous prétexte de construire un amphithéâtre romain. Les filles sont tenues à l’écart de ces problèmes d’adultes, trop heureuses de réaliser le défi amphithéâtre avec leur Papa. Et Solène ? Elle a trouvé un nouvel exploit, elle saute du haut de la dune et retombe en glissant dans la pente. Elle est complètement folle. Folle de joie.

Dimanche 2 août. Cette nouvelle journée commence par une énième confiture. Groseilles rouge et blanche, framboises et un petit peu de cassis que Lison et Pierre ont cueilli hier soir jusqu’à la nuit tombée. Eux aussi sont fous. Fous de petits fruits. Moi, j’ai passé ma nuit à étudier cette histoire d’ambre pour ne pas penser à autre chose. Il faut que je retourne voir ça. L’ambre étant une résine, elle doit flotter dans l’eau salée. Je prends Capucine et mon petit seau avec moi, et nous allons tester la flottaison de tous les petits cailloux oranges de la plage. Ce matin, le vent est tombé, la mer est calme et le soleil est doux. On ne voit pas le temps passer. Bon, des cailloux qui flottent, ça ne court pas les plages. Mais motivée, j’en ramène quand même une poignée pour leur faire passer un second test. Le test de l’aiguille chauffée à blanc. Puisque l’ambre est une résine, elle doit fondre à la chaleur et dégager une bonne odeur de pin. Sur le parking, nos voisins allemands discutent. L’un d’eux a trouvé un petit bout d’ambre ! Enfin, c’est ce qu’il affirme. Son caillou ressemble à un vieux bout de plastique orange je me dis, un peu jalouse. Je n’ose pas mais je l’aurais bien piqué à l’aiguille chaude pour vérifier son odeur. Mais Pierre m’a rappelle à l’ordre, c’est l’heure de partir, le camion est prêt, Pierre a tout nettoyé, tout rangé.

The Northen Forts, Karosta

Direction les forts de Kurlies, à dix minutes de route de là. Des bunkers qui se font progressivement emporter par la mer. L’endroit assez impressionnant. Les mastodontes de béton semblent glisser lentement. Des artistes ont investi certains murs. Je laisse Pierre s’amuser à prendre des photos car moi, à vrai dire, je suis omnubilée par mes petits cailloux oranges.

Nous ne trouvons pas d’explication officielle sur ces forts. En croisant les sources les plus sérieuses, nous pouvons lire qu’il s’agit de fortifications construites par la Russie tsariste, à partir de 1890 pour se protéger de l’Allemagne impériale. Plus tard un traité d’amitié (mais lequel, et quand ?) entre Russie et Allemagne est signé, et dans ce cadre là les forts doivent être détruits.

Ils auraient été dynamités en 1908, juste avant la première guerre mondiale. Mais les charges explosives n’ont pas réussi à miner les bâtiments autant que l’érosion par la mer, au fil du temps.

Ce soir, sur la plage, je n’aurai de cesse de regarder les petits cailloux en pensant à chaque fois, c’est sûr, celui-là c’est de l’ambre ! En plus, je ne suis pas la seule à ramasser, nous croisons cinq ou six personnes accroupies à picorer le sable ! C’est sûr, il cherchent de l’ambre comme nous. C’est donc qu’il y en a. C’est sûr ! Après avoir ramassé absolument tous les cailloux oranges de ce bout de plage, je m’en vais procéder au test de l’aiguille. Les enfants au lit, l’homme au blog, j’installe une bougie, y fait chauffer mon aiguille, et pique un à un les cailloux prélevés ce matin, ce midi et ce soir. Tic. Ce n’est pas de l’ambre. Tic, celui-là non plus. Tic, non plus. Tic, tic, tic, tic,… Combien d’idiots ont du passer des soirées entières à piquer des cailloux et croyant avoir une chance de trouver de l’ambre ?

Après avoir fait le tour des forts de Kurlies, le repas de ce midi fut vite avalé. Nous reprenons la route. Un arrêt gaz à Liepaja. Un arrêt courses aussi. Que les villes semblent pauvres. Nous rerereprenons la route. Pour aller où ? À vrai dire nous n’avons pas encore décidé. Entre ici et la frontière polonaise, nous avons un long trajet sans aucun point cœur, ni même point étoile, enregistré sur ma Google Maps. Le vide. À moins que nous allions sur l’isthme de Courlande, cette dune de sable qui vient de l’enclave de Kalininegrad, en Russie, et qui sépare la lagune de Courlande de la mer Baltique sur près de cent kilomètres, dont la moitié en Lituanie. C’est une zone naturelle protégée et classé au patrimoine de l’humanité. J’étudie l’option un moment pendant que Pierre trace vers le sud. Il faut prendre un bac et payer l’entrée au parc naturel. Je regarde aussi notre road-book sur lequel nous avons planifié jour par jour notre itinéraire de retour en France. Nous avons un jour d’avance sur notre prévisionnel. On y va ! Je modifie notre destination sur le GPS. Dans 20 minutes, nous prenons le ferry.

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