Dimanche 12 avril 2020, J275. Snagov, Roumanie. Si l’on m’avait demandé « Comment fêterez vous Pâques en Carapate ? », jamais je n’aurais imaginé que j’allais pouvoir cuisiner une épaule d’agneau dans un vrai four, manger en famille en terrasse et regarder la messe de ma paroisse en direct sur YouTube…
Non, jamais.
La journée a commencé par la découverte du demi-crane de ce pauvre agneau, savamment planqué dans la barquette, sous l’épaule. Aïe, beurk. Message a quelques copains éleveurs de mouton : Vous savez comment cuisiner ce machin ? Fais-en des beignets avec des herbes et la cervelle ! Ha ouais, quand même…
Non, jamais.
Et toi Laura, vous cuisinez ça en Roumanie ? Ma mère oui, mais moi je ne sais pas. Mets-la dehors, les chiens errants s’en feront un régal. Oui, ça, ça me va. Je me débarrasse donc de ce morceau à gros œil non sans l’avoir préalablement fait observer par chacun dans cette maison. Beuuuurk le gros œil…
À moi l’aïl et le romarin, je vais te le cuisiner à la provençale cet agneau, ce sera « comme à la maison ». Pendant qu’il cuit sagement au four, Laura me branche la télévision du salon sur la toute nouvelle chaîne YouTube de l’église en Aveyron. Oui, même notre église est sur YouTube maintenant. Le monde a changé si vite en quelques semaines. Voilà, notre évêque est en train de dire son homélie dans l’une des salles de la maison diocésaine, réaménagée pour l’occasion en chapelle, accompagné des prêtres et diacres que nous connaissons. Une messe à la télé n’a pas la saveur d’une messe. Je suis heureuse de partager ce moment avec eux, c’est tout de même incroyable d’être « connectés » ainsi. Mais qu’il est triste de ne pas être ensemble, de ne pas pouvoir être réunis en communauté, de faire corps, de former cet ensemble qui prend un sens encore plus fort quand il devient empêché.
Ensemble, nous sommes dans notre refuge franco-roumain. C’est un beau repas de Pâques en famille que nous partagerons, en terrasse et au soleil. Assurément, il y a plus malheureux que nous. L’agneau est délicieux, surtout les têtes d’aulx lentement confites sous la viande. Au dessert nous attendent des flans frais cuisinés la veille avec les œufs extraits de leur coquille pour l’atelier peinture. Les cloches sont-elles confinées cette année ?
Non, jamais.
Notre cheftaine es-cloche de Pâques a discrètement déposé ses œufs en chocolat dans le joli jardin de nos hôtes, offrant aux plus petites une belle partie de chasse aux œufs. Une première pour Béatrice, car ce n’est pas une tradition roumaine que de chercher des œufs en chocolat dans son jardin.
Aujourd’hui, nous avons aussi un projet . Si si. Nous avons proposé à Gaël et Laura de leur fabriquer un composteur avec de vielles planches. Pierre et Gaël ont fait le tour de la question, choisi l’emplacement et trouvé le matériel. Pierre commence à débiter les planches avec l’une puis l’autre de ses filles qui lui papillonne autour sans jamais se passionner vraiment pour l’exercice. L’assemblage attendra demain, il faut pas trop en faire chaque jour.
Non, pas trop.
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