Jeudi 4 juin 2020. Ditrău, Roumanie. 18+18=36. C’est le calcul amoureux que m’offre Pierre ce matin. Aujourd’hui, j’ai 36 ans. Et ça fait aussi 18 ans que nous nous connaissons, la moitié de notre vie. Impressionnante nouvelle !
Imaginez comme je me réveille en joie. Musique allumée. Tout le monde a intérêt de se lever fissa fissa parce qu’aujourd’hui, interdit de traîner au lit ! Le petit-déjeuner est vite avalé, j’ai envie de filer vite de notre spot encaissé pour kiffer le plaisir des routes et des paysages de Transylvanie. En réalité, aujourd’hui le programme est compliqué. Si on fait 1h30 de route, on arrive à un spot pas sûr, sur la rive d’un lac peut-être boueux. Si l’on fait 2 heures, il y a un spot sur le parking d’un restaurant, un restaurant, ça peut être sympa aujourd’hui. Si l’on fait 2h30, on arrive sur les flancs du Rarău et là, le spot peut être vraiment sympa. Les filles sont cool, elles préfèrent l’option spot sympa et sont prêtes à rouler beaucoup sans s’énerver. Pierre est partant aussi. C’est vendu pour le Rarău, mais décollons rapidement.
Rapidement, tout est relatif. Les filles se préparent rapidement, pendant que Pierre et moi nous avons tout de même le temps de prendre une douche, astiquer la cuisine, refaire le plein d’eau… Quand la source est à côté, il faut en profiter. Et c’est parti. A nous les magnifiques paysages. Ouaaahhh. Ils étaient juste un peu plus haut, de belles pâtures, des forêts recouvertes d’immenses sapins et de mignons petits chalets parsemés un peu partout. Un régal. Quand tout à coup, plus de route. On s’engage sur une piste qui risque de durer… quinze kilomètres. Et surtout qui est pleine de trous… Pierre zigzague à n’en plus finir. “Ça doit être épuisant”, je lui dis. “Pas autant que de faire mettre aux enfants leur pyjama”, me répond-il.
Sortis de nos quinze kilomètres de piste au bout d’une grosse heure de route, il ne nous reste plus qu’à avaler une grosse centaine de kilomètres sur une affreuse route à camions au fond d’une vallée. Ha les roadtrip… Au bout de 3h30 de route, nous arrivons sur un spot… sans vue. Encore une fois je suis déçue. Mais où sont donc passés les spots de rêve ?… Pierre est épuisé et c’est largement l’heure de manger. Je prépare de rapides œufs à la coque, ça redonne de la joie à tous. Et j’étudie la carte. Ici, pas de balade à faire, pas de vue… Mais plus haut, voyons. Je suis sûre qu’il y a mieux. Effectivement, un quart d’heure de plus, et nous arrivons au parking d’un hôtel de montagne à partir duquel de nombreuses randonnées démarrent. Un tout petit peu plus loin, il y a aussi un spot avec vue panoramique. Courage, Pierre allons voir.
Comme il ne peut rien me refuser aujourd’hui, il accepte. Et accepte même de passer sous cette barre de hauteur qui interdit la route aux véhicules de trois mètres et plus. L’Emile-Pat mesure 2,97 mètres. Y’a toujours une marge de sécurité, non ? Nous nous avançons doucement. Ça passe. Et ça passe aussi sous le gros rocher qui s’avance au dessus de la route un peu plus haut. Ouf. Nous arrivons au départ de randonnée, nous allons enfin pouvoir profiter !
Sur la route de Transrarău
Au dessus de nous, deux énormes dents rocheuses, la plus grande s’appelle Pietra Doamnei, la pierre de la Dame. Sur le panneau, un circuit en fait le tour. C’est parti. Après quelques pas en forêt, il faut très vite se mettre à escalader des éboulis de rochers comme des chèvres. Les filles adorent. Les grandes avancent en courant. Solène avance en parlant. Je reste juste derrière elle parce que le sentier est très pentu et un peu dangereux. Et elle n’arrête pas de papoter, de commenter, de bavarder… Concentre-toi, regarde bien les rochers et cherche le meilleur endroit pour les escalader ! Elle se débrouille très bien toute seule, mais en parlant sans cesse, et très très lentement. Pour moi, ce n’est pas une randonnée mais une promenade contemplative.
Car autour de nous, la vue est à couper le souffle. Au fur et à mesure que nous montons, nous passons au dessus des sapins et le paysage se dévoile. Un océan de sapins. Infini.
Randonnée à Pietrele Doamnei
Et puis nous arrivons à un passage qui ressemble vraiment à de l’escalade. Une chaîne est installée pour aider les marcheurs à grimper. Nous attendons qu’une famille en descende laborieusement, et les filles s’élancent à son assaut. Solène poursuit son escalade, doucement, et en parlant. Nous voilà au sommet. Au sommet de l’une des trois dents rocheuses, la plus plate. Les deux autres sont inaccessibles sans équipement d’escalade, nous les avons juste en face de nous, acérées.
Mais je n’arrive pas vraiment à profiter. Avoir mes trois enfants en haut d’un piton abrupt me fait peur, même si elles se sont installées sagement par terre et s’affairent à peindre cailloux, bâtons, pantalons et manteaux. Un goûter vite avalé. Redescendons.
Nous rentrons comblés de cette randonnée improvisée. Un dernier désir, rejoindre ce parking en bord de route avec vue panoramique, juste en face des dents. Souhait exaucé. Pierre gare le salon face… aux montagnes. Mais, on ne voit pas les dents !… Il me donne le volant. Oups. J’essaie une marche arrière laborieuse, je tourne, retourne. Je ne suis pas habile, patience. L’avantage, c’est que nous sommes seuls sur ce parking, à part deux motard qui prennent une photo en regardant ce véhicule tourner et virer sans cesse. Au bout d’un moment, j’y arrive. Voilà. On voit les dents, la vallée, et on ne penche pas sur le côté. Bon, on penche sacrément sur l’avant mais ça, ce n’est pas trop grave et on ne peut pas tout avoir. Pour l’instant, il pleut, j’avoue qu’on ne voit pas trop la vue. Pierre est épuisé. Il en faut de l’amour pour vivre avec moi. Mais t’inquiète, ça va se lever, j’en suis sûre !
Oui, les nuages ont filé à toute vitesse par dessus le col et la vue est maintenant totalement dégagée. Génial. École. Pizza. Aquarelle. Et gâteau au chocolat comme j’aime.
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