Jeudi 5 août 2021. Hortobágy, Hongrie. Réveil toujours très tôt, avec le soleil. Cela va nous permettre de profiter encore un peu du village. Lison escalade l’arbre d’à côté pour récupérer le chat, et nous pouvons y allons. Cela devient une habitude. Il a passé toute la soirée et le petit matin à observer les cigognes installées dans leur nid juste à côté.
Ville d’Hortobagyi
Au village, nous remplissons nos cuves à une source d’eau ferrugineuse, un peu chaude, un peu odorante, soufrée. Pour faire les douches et les vaisselles, elle ira très bien. Pour boire, nous préférerons nous ravitailler chez la maman de Niki. Même si cette eau est parfaitement potable. Les gens du village viennent y remplir leurs bidons. Un tour au pont à neuf arches, un tour à l’église, un tour au petit marché à souvenirs qui s’installe à peine. Les commerçants me proposent d’office des rabais, ils doivent être en manque de touristes, impossible de résister, je leur prendre deux jolies assiettes en bois, artisanat local.
Debrecen, au quartier
Il est temps de rejoindre nos amis pour une longue journée ensemble. RDV est donné dans le quartier du château d’eau, quartier populaire et vivant. Pas très avenant à première vue, il faut être accompagné pour y mettre les pieds et le comprendre. Niki nous accueille rayonnante. « Bienvenue dans la vraie Hongrie, là où les gens vivent ». Niki et Roland nous ont concocté un programme personnalisé. D’abord, Roland amène Pierre chez l’opticien. Les verres commandés hier sont arrivés ce matin et il lui faut choisir ses montures.
Pendant ce temps, je reste avec ma copine aux jeux d’enfants du quartier. Au centre de chaque carré d’immeubles, il y a partout ces espaces de jeux, bien fournis, qui font le bonheur des mamans et de leurs petits qui s’y retrouvent tous les jours.
La vie au pays
Niki me raconte qu’elle aime beaucoup ces endroits où les mamans se retrouvent. Ils sont très importants pour les hongroises qui sont en congé pour élever leurs enfants. Ils sont un lieu d’échange et de vie communautaire. Ici, le congé maternité dure trois ans. Une particularité très ancrée dans la culture du pays. Mais d’un certain côté, c’est aussi un cadeau empoisonné. Après trois années sans travailler, voir souvent six ou neuf quand on a plusieurs enfants, les femmes sont exclues de toute carrière professionnelle. Ne faudrait-il pas raccourcir ces congés pour encourager l’émancipation des femmes ? Ce ne semble pas être dans les projets du gouvernement. Pendant que nos lardons sont déjà tout en haut de l’installation de cordes, très vite nous parlons politique. Niki et Roland n’apprécient pas du tout le parti de Victor Orban et c’est l’une des raisons qui a participé à leur choix de rester vivre en France.
Parlons (un peu) de politique
La récente loi qui stigmatise les homosexuels leur paraît très irrespectueuse de la liberté de chacun. Et la confusion qui est sciemment entretenue entre homosexualité et pédophilie est abjecte. Niki me parle aussi de cette nouvelle campagne de communication que nous avons vu partout sans la comprendre. Elle me traduit les affiches installées partout dans le pays. « Est-ce que vous êtes en colère à cause de Bruxelles ? », « Est-ce que vous êtes choqué par l’immigration illégale ? », « Est-ce que vous avez peur pour vos enfants à cause de la propagande sexuelle ? », « Voulez-vous que le SMIC augmente ? ». Il s’agit des questions du référendum annuel pour orienter le projet politique du gouvernement de Victor Orban. La population est donc invitée à répondre à ces questions. Incroyable. Leur formulation est tellement orientée… Niki fut choquée de découvrir cela en rentrant dans son pays.
L’accueil chez Zsuzsa
Les hommes reviennent, les lunettes seront prêtes dans une demie-heure. Allons prendre un café chez la maman de Niki. Nous pénétrons l’une de ces affreuses tours grises, les parties communes sont anciennes et patinées, l’appartement du cinquième est tout coquet, la vue est large et relativement verte pour une si grande ville. Contraste. Zsuzsa nous accueille souriante, enchantée de nous voir. Savoir-vivre hongrois, le café est accompagné de petits biscuits vanille. « Ce sont les biscuits de mon enfance » met en avant Niki. Du haut de notre tour, nous voyons la pluie s’installer peu à peu. Hésitation. Nous partons quand même visiter la ville. Sûrs que cette pluie d’été ne durera pas.
Retour chez l’opticien. En 24h top chrono nous avons obtenu des lunettes parfaitement à la vue de Pierre. Facture : 78 € verres et monture. Qui dit mieux ? Ce pays est magique. Et nos amis ont été nos bonnes fées. « En Hongrie tout est possible ». Mais la pluie est drue. Zsuzsa avait proposé que nous restions chez elle pour pique-niquer. Retour à la tour numéro six. Les enfants installés par terre dans le tout petit salon. Les parents et Capucine sur la table. Niki et sa maman nous ont cuisiné une spécialité de viande garnie d’un œuf. Accompagné d’une « salade française », qui est française comme la Macédoine de légumes est Macédonienne. Jamais vue. Mais appréciable. De délicieux gâteaux chocolat-coco au dessert. Le ciel ? Toujours gris. Niki semble contrariée par cette météo malchanceuse. Nous n’avons qu’à mettre les k-way et y aller quand même.
Visite de Debrecen
Le centre ville n’est pas loin, cela se fait à pied. Une rue, un commerce, un édifice. A chaque souvenir, Niki ou Roland ont une histoire à nous raconter. « Cette peinture murale, c’est un ami qui l’a peinte » nous dit Roland. « Ce bar était dans le temps ouvert toute la nuit, nous y avons de fameux souvenirs » m’avoue Niki. « Ici, après une fête, je suis tombée dans cette fontaine », raconte-t-elle plus loin. Debrecen est la seconde ville de Hongrie, capitale du protestantisme qui a perpétué une forte tradition universitaire. À l’avant-garde de la révolte contre les Habsbourg. Accueillant en 1944 le premier gouvernement antinazi. Ville qui a vu la destruction d’une grande partie de ses édifices. Et une reconstruction dépareillée. Ce qui fait la réputation et l’attractivité de la ville est son esprit universitaire. 30 000 étudiants, dont 10 % d’étrangers, y résident chaque année dans un campus à l’américaine, véritable ville dans la ville.
L’université
Notre visite commence par la rue principale jusqu’à l’imposant temple calviniste de la place centrale. Le soleil nous y avait donné rendez-vous. La visite est impossible, un mariage s’y déroule. Nous nous faufilons par une porte latérale. Puis nous embarquons dans un tram jaune, direction la ville universitaire. Niki nous fait entrer dans son campus, parcourir les couloirs sombres jusqu’au département « Sociologie et politiques sociales ». On dirait que rien n’a changé depuis 100 ans. L’ensemble du bâtiment a des airs de temple, agrémenté d’éléments médiévaux. Les enfants s’installent sur une table d’étude et jouent à étudier. Les cahiers sont de sortie. Lison et Bodza se projettent déjà ensemble étudiantes ici. Niki s’échappe acheter des petits cahiers à l’effigie de l’université pour les offrir à la troupe. Logo à l’américaine.
Après le travail, la détente dans « la grande forêt », un grand parc qui fait le lien entre la ville et la ville universitaire. Un festival de jazz y est installé, mais l’entrée étant payante nous le contournons pour atteindre les jeux d’enfants, encore plus grands et inventifs que tout ce que nous avons vu jusque là. Pendant que les parents se reposent de presque 10 kilomètres de marche, les enfants courent encore. Infatigables.
Nous trouvons quelques spécialité de Street Food aux guitounes du festival, avant d’entamer le chemin du retour en passant… par le cimetière. Passage obligé d’abord car il est très beau avec ses tuiles vernies, mais aussi car c’est ici que travaille la Maman de Roland, elle y vend des fleurs dans une autre petite guitoune. Elle aussi vit dans le quartier du château d’eau où elle y a élevé Roland depuis toujours. Retour en bus. Nous avons l’impression d’avoir parcouru toute la ville, d’avoir vu tous les quartiers, d’avoir marché dans les pas de nos amis tout au long de leur vie à Debrecen.
Au revoirs chaleureux. On se revoit à Rodez les amis !
Cap à l’est, la frontière roumaine n’est pas qu’à une petite heure de route. Nous trouvons un stationnement pour la nuit près d’un jeu d’enfant dans une petite zone résidentielle du dernier village hongrois. Nous passerons la frontière demain, il est temps d’affiner notre programme pour la Roumanie.
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