Cent mille marches sous les nuages

Jeudi 5 décembre 2019. J158. Sicile. Au matin sur la plage de Vendicari, les vagues explosent toujours sur les rochers. L’Emile-Pat’ est recouvert d’embruns. Il a même quelques bouts d’algues sur le pare-brise. Nous, nous avons bien dormi.

Réserve naturelle de Cavagrande

À Rodez l’école fait grève aujourd’hui. Ici, c’est notre beau soleil sicilien qui s’est mis à faire grève. Nous prenons la route de bonne heure, espérant arriver à sortir des nuages. Perdu. Notre destination, les fameuses gorges de Cavagrande, est complètement dans les nuages. Nous nous stationnons et étudions la situation. 1,4 km de marche vertigineuse jusqu’aux piscines naturelles. On tente ? Et si nous attendions cet après-midi  que ça se dégage ? Non, un temps orageux est annoncé à Syracuse. Allons-y maintenant. J’habille mes enfants le mieux possible. Il fait un peu froid et je redoute surtout la pluie. Collants, bonnet, capuches, gants,… Mes bonnes-femmes de neige sont prêtes.

– 11h00, nous passons au-dessus des barrières fermées  du chemin qui mène au fond des gorges. L’escalier est creusé dans la paroi rocheuse, irrégulier et glissant. 1h de descente, 2h de remontée annonce un guide… Pour 1,5 km, ça nous paraît soit exagéré, soit annoncer un périple affreux. Solène réclame rapidement le dos de son Papa. Mais nos cabris descendent en courant ce petit chemin nuageux qui serpente en épingles serrées. “On dirait qu’on descend au centre de la terre” dit Pierre. “Ha ouais, renchérit Capucine ! Lison, on disait qu’on descendait au centre de la terre, d’accord ? Toi, t’étais l’exploratrice et moi, je te suivais. D’accord Capucine, mais je reste devant !”. Et c’est parti pour jouer en marchant.

Nous descendons rapidement sous la couverture nuageuse. Et il ne fait pas si froid, tout le monde se déshabille progressivement. Je les avais encore trop habillées… Le paysage aussi s’est déshabillé. Nous distinguons maintenant les gorges, les falaises, et tout au fond, les piscines bleues-vertes. Après 17 épingles, nous arrivons au fond de la vallée, là où le chemin se faufile sous la végétation. Le fond de la rivière est formé par de strates rocheuses formant comme des escaliers qui mènent dans l’eau. Le courant est fort, les abords glissants, c’est un peu dangereux.  Nous explorons un peu l’endroit, mais puisque nous ne pouvons pas avancer les pieds dans l’eau, nous n’allons pas très loin. L’été, l’exploration doit être très différente.

Le bon bain

Pierre se déshabille le premier. “C’était irrésistible” m’expliquera-t-il plus tard. Il avance. S’assoit. S’allonge. Tranquille. L’eau doit être à 13°C estime-t-il. Et l’air à 16°C. Facile. Évidemment, nos deux autres asticots le suivent toutes excitées. Quand je les avais habillées avant la descente, je ne pensais pas qu’elles finiraient nues dans la rivière. Même pas froid ! Moi, je les regarde nager dans le bonheur. Ça me va.

Solène, elle, pêche dans la rivière avec un long bâton d’herbe sèche. Dans un geste malencontreux, sa canne à pêche vient frapper l’oreille de Lison. Son oreille sans tympan. Il suffit s’une goutte d’eau. Elle hurle. Penche sa tête pour la faire sortir. Puis ça passe. À Rodez, notre médecin avait anticipé la situation et donné tout ce qu’il faut. De retour au camping-car, nous l’appelons, il nous précise la posologie et nous administrons de suite l’antibiotique en gouttes pour les oreilles. C’est douloureux encore. Ça passera.

Il fallût remonter cet affreux chemin et ses 17 épingles. Un biscuits pour se donner un peu d’énergie et les filles crapahutent en tête. Pierre charge son caillou sur le dos et les suit. “Ne m’attendez pas, je vais remonter à mon rythme !”. C’est mieux comme ça. J’avance doucement et en fait, je kiff bien. Pas de Capucine pour tchaper (parler) sans s’arrêter. Pas de mari pour t’attendre et t’inciter insidieusement à suivre son rythme. Pas de Solène pour te demander cent choses. Je regarde le paysage, cherche les petits oiseaux, observe les plantes. Un moment seule, ça se déguste même dans une montée infernale.

Le reste de la journée ressemblera à une vraie journée d’hiver, le froid en moins. Sieste, école, bricolage, cuisine : soupe et tiramisu. Des agents municipaux viendront poser et allumer les décorations de Noël. Pierre rencontrera deux énormes crapauds. Un nouveau chien attachant viendra jouer avec nous et nous veiller toute la nuit.

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