L’improbable rassemblement des voyageurs

Jeudi 13 février 2020. J227. Grèce. “Maman, y’a un camping-car qui s’est garé pile face à nous !…

Il y a de la place partout sur cette plage et il s’est posé juste là, c’est bizarre ? T’as vu, c’est un français. Tu crois qu’il y a des enfants ? J’espère que c’est pas des papi-mamie…” Les pronostics vont bon train ce matin autour de la table du petit déjeuner. Impossible que ce soit nos amis des 5 à bord, il ne sont entrés en Grèce qu’hier, leur dit-on. La porte s’ouvre. “Mais c’est la maman des 5 à bord avec Marcel, regarde, ils nous disent coucou !” Rapidement Charlotte toque à la porte, elle est tout juste levée et habillée. Elle n’a pas pris le temps de déjeuner, elle est prête pour jouer. Voilà les nôtres qui s’habillent à toute vitesse. La petite Rose les rejoint. La bande s’est retrouvée. Vite, une cabane est construite loin, derrière un rocher. “C’était notre bunker !” m’explique Capucine, on surveille les parents de loin et il faut un mot de passe pour rentrer.”

10 à bord

Elles nous surveillent. Au cas où on aurait besoin de se coller à eux ? Non, vraiment pas. Nous prenons l’air loin d’eux, c’est très bien. Nous retrouvons Laurence et Michel autour d’un café sur cette magnifique plage. L’endroit est vraiment très beau, face à Patras et au pied d’un mastodonte de pierre. Nous avons tellement de choses à nous raconter. La Slovénie. La Croatie. La Bosnie. Leur déroute imprévue en Serbie et la tempête de neige dans le Durmitor, l’un des plus imposants massifs des Alpes dinariques. Et l’Albanie. Les nouvelles des camions ? Ils ont cassé leur marche-pied, tout comme nous ! Ils ont mis des stickers, comme nous ! “Comment on enlève les décorations d’origine ?” demande Michel. Avec du soleil, je lui explique. Réchauffés, on les décolle facilement. Michel s’y colle. Plus tard, ils nous prêteront leur aspirateur. Oui, dans leur camping car, ils ont un aspirateur. Ils le prêtent à tous les voyageurs rencontrés qui ont tous des petits tas de sable coincés dans des recoins inaccessible en balayette. Un aspirateur, c’est vraiment un graal en voyage !

Nous laissons les enfants jouer et recharger leurs batteries d’amitié. “Et l’école, on la fait quand ?” je leur demande à midi. Ce soir, il y a Émilie et ses enfants qui nous rejoignent, alors elles font le choix de la faire là, à l’heure de la sieste. Et tous ensemble. Charlotte aussi fait son CE1 en voyage. Serrés sur la table de l’Emile-Pat, les trois enfants et les deux mamans, nous faisons l’école dans un calme incroyable. Chacune se concentre pour montrer aux autres son sérieux. C’est très bien d’être à plusieurs pour faire l’école. Une heure de travail intensif. Et tout le monde ressort dehors en courant.

Et puis Thomas arriva

En fin d’après midi, pendant que nous discutons avec des voyageurs tchèques de passage, c’est Thomas qui nous rejoint comme prévu. Le courant passe vite entre lui et les 5àbord. Très vite son petit fourgon est envahi d’enfants. Lui n’en a pas, des enfants. Et bizarrement il aime bien se faire assaillir par de la marmaille bruyante. L’heure de l’apéro n’est pas loin. Émilie a pris du retard sur son estimation d’arrivée. Nous ouvrons nos premières bières grecques autour du feu que les enfants sont en train de préparer. Ça l’aidera à venir, prend-on pour prétexte. Thomas aussi est passé par la Croatie, l’Albanie, s’est aventuré en Bosnie et en Serbie. Récits de voyageurs.

Un autre fourgon arrive

À 19h30, nuit bien tombée, Émilie, Léonie et Matéo arrivent enfin. Nous allumons un feu de joie. Ouvrons d’autres bières. Ou un vin d’Albanie. Ou du Péloponèse. C’est qu’on est nombreux ce soir autour du feu. À l’origine, il n’y a que le rendez-vous avec Émilie qui était prévu. Encore une fois le voyage en aura décidé autrement. Thomas passait par là. Les 5àbord ont décidé juste hier après-midi de faire les quatre heures de route qui nous séparaient. La rencontre est poligonale. Et fabuleuse. Thomas nous explique ses contraintes de vie nomade. Il doit être le 13 mars à Istanbul, dans pile un mois, et il y a tellement de choses à voir en Grèce. Arriver à l’heure dite semble le stresser. Nous en rigolons. Émilie elle, était hier au travail, elle s’est levée à 3 heures du matin avec sa marmaille, a pris trois avions, Toulouse, Paris Charles de Gaulle, Athènes, puis prise en main du van, tout en anglais s’il vous plaît, et encore 2h40 de route dans un pays inconnu aux panneaux illisibles pour se retrouver sur cette plage. “J’ai suivi Google, en fait je suis pas sûre de savoir bien où l’on est”. Nous n’avons pas la même notion du temps. Elle a fait 3000 km en une journée. Thomas a un mois pour en faire 1000. Bienvenue dans un autre espace-temps !

La veillée aux mille histoires… drôles

Un plat roboratif pour les grands voyageurs, un Chili con carne. Quoi, c’est pas local ? T’inquiète, y’a du yaourt grec. Nous arrivons à coucher les enfants facilement, la nuit est déjà bien avancée.

Et puis nous rigolons encore autour du feu. Nous rigolons des improbables douaniers rencontrés, ceux après le pont de bois, ceux à côté de la route, là, dans le champ, ceux qui offrent un citron à moitié mangé, ceux qui te disent “mais qu’est-ce vous faites ici ? Ça allait la route ?” Route qui était une piste. Et nous rigolons de Michel et de son improbable camion-maison, surchargé de 1000 kilos d’objets indispensables. L’aspirateur. Le robot de cuisine. Les deux planches de surf suspendues au plafond du salon. La perceuse. Le détecteur de métaux. La charrette à bébé. Thomas et son van de poche s’en tordent de rire. N’empêche que l’aspirateur, il voudra bien s’en servir un peu demain.

Un bruit de “plouf”. Un autre. Ça vient de derrière. La conversation est interrompue. Nous inspectons la mer. Ce sont les poissons qui reprennent leur festin de moustiques. Ils sont des centaines à scintiller à la lumière de nos lampes torches. Trop petits pour prétendre être attrapés, trop beaux pour ne pas nous laisser émerveillés

Les bûches se consomment jusqu’au milieu de la nuit, éclairant notre improbable rassemblement, simple, humain, chaleureux, heureux.

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