Les Météores, ces monastères tombés du ciel

Samedi 29 février 2020. J233. Thermopyles, Grèce. Aïe. Le réveil est tardif ce matin. Le vin était bon et la nuit était douce. La routine des trois équipages est calée maintenant. Petit déjeuner chacun chez soi, école et salle de bain avant de pouvoir sortir et jouer ensemble. Les enfants sont motivés, mais jamais plus rapides que d’habitude. Nous avons deux heures trente de route aujourd’hui. Nous savons que c’est beaucoup pour les enfants. Pierre et Michel étudient l’itinéraire, les spots, les visites à faire. Le programme est calé. Super. Mais il faut partir avant midi tout de même pour arriver à visiter un truc avant la fermeture à 15h… Non, pour une fois, ça ferme à 17h.

Météores

Un grand moment se prépare. Nous allons enfin voir les monastères des Météores. Un de mes premiers “point cœur”. Un lieu qui m’était parfaitement inconnu jusqu’au jour où j’ai commencé à étudier l’itinéraire de la Carapate, il y a… peut-être 4 ou 5 ans. À la bibliothèque de Rodez, j’avais trouvé un livre pour enfant “les merveilles de l’Europe” dans lequel j’avais découvert ces surprenants monastères plantés au sommet de pitons rocheux escarpés. Ils seront encore plus impressionnants en vrai.

Les @VertVanLife sont déjà passés par là en arrivant en Grèce. Avant de se séparer de nouveau, ils nous donnent leurs spots. Nous nous retrouverons plus loin, peut-être à Thessalonique ou en Finlande. Le voyage le décidera. Embrassades. Nous partons.

Étonnamment, dans l’Emile-Pat personne ne bronche et nous avalons les 2h30 de route d’un trait. Nous arrivons à Kalambaka, au pied des falaises, absolument éberlués. On dirait que ces rochers viennent d’ailleurs, du ciel peut-être, et qu’ils sont tombés là, plantés, sur une dizaine de kilomètres seulement. Tout autour, les paysages sont absolument normaux, une plaine, une chaîne de montagne, quelques sommets enneigés. Le contraste est irréel.

Pierre se stationne face à l’un des monastères, notre vue du salon n’a jamais été aussi incroyable. Le monastère Saint-Étienne, en face de nous, sur un énorme rocher semblable à un pachyderme au dos arrondi. Un petit pont permet d’y accéder, le rocher est décollé de la montagne. Un déjeuner contemplatif au soleil, fenêtre grande ouverte. Il fait bon.


« D’ici, on saisit mieux tout à l’entour le travail inouï des siècles et des eaux. Rochers arrondis, bosselés, craquelés par endroits de gerçures comme de gros pachydermes broutant les abysses de la terre. Il émane de ce paysage une sorte de douceur tranquille, ce grand calme qui suit les cataclysmes apaisés. … »

— Jacques Lacarrière

Visite des monastères orthodoxes

Et puis nos amis nous rejoignent. Nous sommes prêts pour la visite. Mais avant, il faut que les femmes enfilent une robe, tradition des monastères orthodoxes. Laurence et moi nous nous en amusons. Le site prête des fichus de tissu à nouer autour de la taille en porte-feuille. Chouette le look orthodoxe ! À l’intérieur du monastère, tout est impeccablement rénové. Les peintures de l’église sont neuves et les scènes représentées dans la première pièce sont sanglantes. C’est souvent ainsi. Nous sommes prévenus. Tenons nous avec bonté sinon c’est dépeçage ou décapitation. Avec le sang qui coule et tous les détails morbides.
Crues les peintures des églises orthodoxes. Nous comprenons qu’il s’agit de l’histoire des martyrs.
Dans cette chapelle, et dans toutes celles que nous visiterons, les photos sont interdites. Désolés chers lecteurs.

Le spot que nous avions repéré pour ce soir est inaccessible au grand camping-car de Michel et Laurence. La route qu’il faut prendre est très pentue et par endroit carrément sur la roche. Demi-tour. Plan B. Un peu plus loin. Nous trouvons une parcelle avec vue sur les falaises. L’endroit paraît parfait. Les enfants jouent à l’intérieur. Michel allume le barbecue à l’extérieur. Maïs grillé et hamburgers. Il fait bon voyager avec un restaurateur.

Dimanche 1er mars 2020. J234. Deux monastères au programme aujourd’hui, le petit couvent de Roussanou et le Grand Météore, c’est son nom. Au total, six se visitent. Les monastères sont habités donc leurs horaires d’ouverture ont peu d’amplitude et ceux que l’on veut visiter ferment à 14h. Alors nous décollons tôt ce matin, nous finirons l’école plus tard.

Les monastères sont perchés sur des falaises composées de « poudingue » un conglomérat  de galets liés par un ciment sableux. D’après la mythologie locale, des roches furent envoyées du ciel sur la terre par la Providence pour permettre aux moines de se retirer et de prier. Nous nous stationnons au pied du Roussanou et escaladons ses 200 marches, les enfants ont compté.

Pourquoi autant de monastères ?

Chassé de la république monastique du Mont-Athos, c’est le moine Athanase qui fonda le Grand Météore avec plusieurs de ses fidèles. D’autres communautés les ont ensuite rejoints (jusqu’à 24 au XVe siècle) et ensemble, ils occupèrent plusieurs sommets. À partir du XVIIe siècle, plusieurs monastères furent progressivement abandonnés. Certains furent détruits ou abîmés. Vers 1920 furent aménagés les escaliers actuels permettant un accès plus facile. Auparavant, on montait dans de grands paniers suspendus à des poulies et manœuvrés à l’aide de contrepoids.

Monastère du Roussanou

Le Roussanou est tout petit. Nous visitons sa petite terrasse et sa petite chapelle. En jupe, toujours. Les filles et le père se battent pour choisir celle que je devrais porter car ici, il y a le choix des couleurs. Laurence choisit les fleurs rouges assorties à son manteau rouge et moi les fleurs jaunes assorties à mon manteau jaune. Ne jamais perdre le style. La terrasse fait face au grand monastère de Varlaam, dont les murs sont construits à flanc de falaise. La petite chapelle n’est pas restaurée cette fois-ci. Et c’est tant mieux. Les peintures y sont abîmées mais tellement plus puissantes. Je passe vite maintenant la première salle dédiée aux martyrs, je préfère le cœur de la chapelle, ses icônes, ses boiseries fines et cet orfèvrerie incroyable. En entrant, les visiteurs orthodoxes se signent trois fois à l’envers par rapport au signe de croix catholique. Puis ils se dirigent vers trois icônes, se signent à nouveau à toute vitesse, et embrassent les tableaux protégés par des vitres. Nous pourrions observer le rite avec respect, mais nos yeux de français sont choqués. Embrasser tous la même vitre… Et les microbes ? Impensable pour nous. Nous pensons au coronavirus qui panique le monde et qui ne nous avait jusque-là jamais inquiété. Savent-ils ? Sûrement. La foi est-elle plus forte ? Probablement.

Monastère du Grand Météore

La petite visite est terminée. Nous montons au Grand Météore. Il y a vraiment beaucoup de monde en ce dimanche, et pas de parking dans ces montagnes, il faut se garer au bord de la route. Nous trouvons, il n’y a plus qu’à faire l’ascension à pied, entre les voitures. Et prendre l’escalier d’accès au sanctuaire. D’abord nous descendons au pied du rocher, puis le passage est taillé à l’intérieur, dans un petit tunnel qui suit le flanc du pachyderme et débouche sur un long escalier taillé dans la roche. D’ici, on peut observer sa composition de galets ronds et de sable pétrifié. Ça n’a pas l’air très solide, l’érosion, la pluie, et mêmes nos mains peuvent effriter effectivement facilement cette matière qui prend des formes rondes spectaculaires.

Ce monastère est fidèle à son nom, très grand. Outre la terrasse et la chapelle, on y visite l’ancien atelier, l’ancienne cuisine,… Nous nous y perdons, chacun naviguant à son rythme. Moi, je retrouve ma Lison plantée au milieu de la chapelle, carnet de dessin en main, elle reproduit la minuscule icône de Jésus accrochée au chandelier à deux mètres au dessus d’elle. Rien ne l’arrête. Une photo volée. Le moment est trop beau.
Je reste un moment avec elle, à observer les milliers de détails des peintures, boiseries et orfèvreries. L’endroit respire la ferveur. Les visiteurs se succèdent devant les icônes qu’ils embrassent. Un moine passe de temps en temps nettoyer la vitre. La française est à moitié rassurée.

Il y a décidément vraiment beaucoup de monde monde aujourd’hui. Pas vraiment envie d’en visiter un troisième. Vraiment envie d’air frais et de calme. Nous regardons un spot à rejoindre pour profiter d’un coin de nature avant la nuit. Essayons celui-ci, dans les montagnes. Quelques minutes de route et nous y sommes. Un replat au dessus de la route. Un replat au-dessus du paysage. D’ici, notre regard porte loin vers le sud. Les enfants sortent immédiatement les cerf-volants. Puis l’herbier. Nous sommes à l’entrée d’une pâture et l’herbe rase scintille de fleurettes. Quelques anémones, crocus, lamiers et beaucoup de romulées d’Arnaudres.

Avec Pierre, nous avons envie d’aller voir plus loin sur ce chemin si l’on arrive encore à voir les monastères. Nous abandonnons nos enfants à nos amis et filons main dans la main. 6 minutes de marche et nous sommes face à un paysage splendide où se découpe au loin la forme unique de ces rochers tombés du ciel. Le soleil en face menace méchamment de se coucher. Demi-tour, nous allons chercher les enfants et les copains pour partager ce spectacle avec eux. Et puis je lève le drone. D’en haut, c’est encore plus beau.

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