Réussir à repartir

Samedi 16 mai 2020. Ce sont donc nos derniers jours à Snagov. Ce matin, comme souvent, Béatrice vient reprendre un petit déjeuner avec nous dans l’Emile-Pat. Nous nous serrons et partageons ce moment joyeux. Et puis nous lui expliquons. Lundi, nous partirons. Comment le comprend-elle, du haut de ses trois ans et demi ? Visiblement, à son humeur rugueuse toute la matinée, elle a bien compris. Et oui, elle va nous manquer à nous aussi cette atypique et jolie famille. Nous nous étions adaptés les uns aux autres et notre petite communauté de vie avait trouvé un équilibre.

Réinventer son voyage

Un voyage peut-il être immobile ? Arrêté à un endroit, sans bouger ou presque. Nous avons passé sept semaines à Snagov, dans la plaine de Bucarest, et nous nous apprêtons à passer maintenant deux semaines dans une ferme à Firtușu, au cœur de la Transylvanie.

Nous partons donc lundi et comme ils ne nous feront pas travailler, il est entendu qu’ils ne nous nourriront pas non plus. Ce n’est pas un problème, mais nous devons faire le plein de nourriture pour être autonomes. Oui, nous avons trouvé le moyen de faire officiellement du wwoofing en se tournant les pouces. Improbable. Ce n’est pas encore vraiment la reprise de notre road-trip. Improbable et amusant à la fois.

Ce samedi sera donc une journée de préparation du grand départ. Non sans faire une longue séance piscine au plus chaud de la journée. Je vide mes placards pour faire l’inventaire de ce que nous avons, et de ce qui nous manque. Et pendant la sieste des enfants, nous partons Pierre et moi dans la voiture de Gaël pour une longue corvée courses. Avant de replonger dans cette merveilleuse piscine.

Dimanche 17 mai. Journée festive aujourd’hui. Pas de courses, pas de ménage (pas trop), pas de bricolage, pas d’école non plus,… C’est notre dernière journée avec Laura, Béatrice et Gaël. Au programme : deux amis viennent manger avec leurs deux jeunes enfants, barbecue, piscine et soleil. Et jeux de société. Anca et Cristi sont de grands amateurs de jeux de société et arrivent avec une boite pour nous, un jeu sur le thème des couleurs et des chefs-d’œuvre de la peinture. Incroyable, pile ce qu’on aime. Les filles jouent à reconnaître les tableaux, les peintres, et à se souvenir si nous les avons vus, et où nous les avons vus…

Nous profitons de cette dernière journée sans penser à demain. Notre adage : le bonheur c’est maintenant. Les amis, la piscine, la chaleur, la rencontre, nos enfants, dans l’eau et heureux, et quelques bonnes choses à partager. Je montre les quelques photos que nous avons de notre vie à Rodez, Anca me montre des photos de sa jolie maison, de son potager, de la maison de sa mère juste à côté.

Et même une fois les amis partis, nous restons encore ensemble à siroter un verre et à papoter jusque tard dans la soirée. Ne pas perdre une miette du temps présent, ensemble.

Lundi 18 mai. Les au-revoir seront sans embrassades, distance is distance. Mais surtout, le voyage nous aura appris à partir sans effusion, pour minimiser la tristesse de se séparer. Voyager, c’est sans cesse partir. Cependant le départ ne sera pas sans émotion. Cette famille nous a tant aidé. Elle aura sauvé notre aventure.

Partir, c’est aussi quitter Mozart. L’insignifiante bestiole a pris une place surprenante dans notre famille, toujours prête au câlins minuscules et aux explorations hasardeuses. Plusieurs fois, nous l’avons pris avec nous dans l’Emile-Pat au moment du petit déjeuner. Il reniflait partout, et zouip, a chipé une fois un crunchy dans le bol de Solène.

Nous échangeons avec nos hôtes quelques cadeaux symboliques, ils ont tout, nous n’avons la place de rien. J’offre une aquarelle encadrée, Solène son assiette de “Licorne arc-en-ciel”, Lison son tableau de chat fait avec des clous. 

Laura m’offre quelques conserves et une de ses blouses roumaines. “Tu ne pourras certainement pas en acheter, tu ne pouvais pas repartir de Roumanie sans une blouse”. Elle n’est pas neuve, mais c’est la sienne, une valeur bien plus importante à mes yeux. Cet habit roumain traditionnel est porté aujourd’hui à chaque moment important de la vie. Gaël nous avait montré les photos du baptême de Béatrice, où chaque invité portait une blouse roumaine, toutes aussi belles les unes que les autres. Je l’enfile presque immédiatement. Notre souvenir de cette inattendue aventure roumaine.

Et puis Pierre démarre le moteur. L’Emile-Pat, fidèle au poste, ronronne. Gaël a ouvert le portail, notre petite maison se remet en mouvement. Eclats de joie, rires et cris dans l’habitacle, Bijou a sauté du lit de Capucine et me regarde d’un air ahuri. Mais que se passe-il ? me dit-il avec les yeux. Nous rions tous aux éclats, nous avons failli partir avec le chat !

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