Tihany et les monstres du Loch Balaton

Vendredi 13 août 2021. Csopak, Hongrie. Réveil aux aurores. Comme d’habitude, cet été hongrois. Je me faufile hors du camping car avec mon chat et part jeter un œil au lac. Toujours aussi bleu. Sur le ponton, Basile observe stupéfait une colonie de petits oiseaux qui s’agite dans les roseaux. Je tiens mon chat par le collier, je ne suis pas sûre qu’il ait compris que sous les roseaux il n’y a que de l’eau.

Crac la fenêtre

Départ de bonne heure pour profiter des heures moins chaudes. Nous longeons le lac vers le sud, il s’étale sur 78 kilomètres.

Tout d’un coup, un fort craquement de plastique. Je vois dans le rétroviseur quelque chose qui tombe par terre. Sûre que c’est quelque chose à nous. La fenêtre de la capucine était restée ouverte derrière son petit rideau fermé. Elle avait déjà une patte cassée, elle n’a pas résisté à la route. Arrêt sur le premier parking possible. Pierre retourne chercher ce qu’il en reste. S’il en reste quelque chose. Deux tiers de fenêtre, c’est pas mal. Du gros scotch. Un bout de carton pour boucher le tiers perdu. La fenêtre est refermée.

C’est gênant pour aérer la capucine la nuit pendant alors qu’il fait très chaud en ce moment, mais ça tiendra jusqu’à la fin du voyage. Par contre pour le départ de bonne heure, c’est foutu.

La presqu’île de Tihany

Aujourd’hui nous voulons explorer la presqu’île de Tihany qui avance sur le lac. Objectifs : Voir la vue au nord. Et voir la vue au sud. La presqu’île est un parc naturel où le sud n’est pas urbanisé. Au nord par contre, il y a la terrasse de l’abbaye qui offre un splendide panorama. Commençons par le plus compliqué. Nous trouvons un stationnement au centre, à l’ombre, à proximité d’un petit lac.

Oui, un lac sur une presqu’île sur un lac. L’endroit est très agréable et nous y laissons Basile prendre l’air un moment. Des enfants jouent à la thèque. Lison entraîne son père pour des tirs au but. Basile observe de loin les bœufs gris de Hongrie. Par moment, quelques chiens de prairies lèvent le museau. Nous serions bien restés ici, mais nous avons envie de trouver un spot pour nous baigner.

Au sud de Tihany, il y a beaucoup de roseaux qui empêchent tout accès à l’eau. Il y a bien une plage payante mais elle est loin. Et il y a une “plage pour chien” comme ils disent, c’est à dire un accès à l’eau gratuit. Pour s’y rendre, pas de sentier balisé. Avec Capucine, nous scrutons les images satellites de la presqu’île et voyons bien qu’il y a plein de sentiers qui longent les parcelles. Tentons de nous frayer notre propre chemin. À vue d’œil, il y a juste deux ou trois kilomètres à parcourir. Nous embarquons le pique-nique et une double réserve d’eau, rentrons Basile à intérieur pour une grosse sieste, et partons sous un soleil déjà très chaud.

La première partie du chemin est en plein cagnard. Alors que Capucine avait plaidé pour l’activité baignade et trouvé ce chemin avec moi, elle grogne désormais que c’est trop dur. Lison grogne aussi. Et Solène aussi tant qu’à faire. Arrêt. Trop dur ? On laisse tomber ? Nous leur remontrons la situation, la carte, l’objectif. Lison est rassurée. Capucine veut continuer. Et Solène, comme ses sœurs. Nous continuons. Mais toujours en grognant. Un sentier avec un peu d’ombre ? Prenons-le, en plus c’est un raccourci. Une prairie à contourner ? Traversons en diagonal, azimut sanglier. Les paysages sont très beaux, vignes et champs de lavande récoltée. Nous arrivons finalement vite au sentier qui longe la côte sud sous une épaisse toison végétale. Sauvés. Il n’y a plus qu’à trouver un accès au lac. La ceinture de roseaux s’arrête ici, nous pouvons accéder à une mini plage de cailloux, à l’ombre et avec une vue splendide sur le lac turquoise. Merveilleux. Paradisiaque. Les habits tombent par terre. Tout le monde est vite à l’eau.

Les monstres

C’est Capucine qui voit le premier. Un espèce de bâton qui sort de l’eau bien droit, avec des yeux et une langue fourchue. “Papa, il y a un serpent ! – Mais non, c’est un bout de bois” lui répond-il. Le bout de bois disparaît. Et réapparaît plus proche. “Ha oui, il a des yeux et une langue fourchue ton bout de bois”. Tout le monde sort de l’eau effrayé. De la plage nous scrutons l’eau. Il y en a un autre là aussi. Et là. Il se rapproche de nous ! Ça attaque ces petits serpents ? Ça reste dans l’eau ou ça vient jusque sur la plage ? Devant la panique généralisée, nous décidons de changer de plage pour aller… 50 mètres plus loin. La plage est un peu plus grande et surtout, nous avons des voisins qui se baignent tranquillement. Nous scrutons cette nouvelle plage. Il y a deux serpents à droite et trois à gauche. Le bonheur. Des canoës passent, nous leur demandons. “Not dangerous”. Nous sommes rassurés. Presque. Pique-niquons ici, nous les observerons et nous verrons après si nous rejoindrons nos voisins dans l’eau. Solène elle, se perche dans un arbre et n’en redescendra pas. Ne lui dites pas que les serpents peuvent monter aux arbres.

À droite, derrière le cailloux il y a Jojo, un assez gros spécimen, et plus loin il y a Kikinette, un petit serpenteau. A gauche nous avons Jean-Claude, Gertrude et Mirabelle. Nous nouveaux voisins. Tiens, Jojo a disparu, où est-il passé ? Nous les voyons sortir la tête de l’eau à intervalles réguliers, je crois que ces animaux ne respirent pas sous l’eau. Ils restent toujours au même endroit. Devant nous, personne. Nous avons une petite place pour nous tremper les pieds. Au moment où je sors le pain du pique nique, un cygne s’approche de moi et m’agresse avec un râle impressionnant. Il veut du pain le bougre. Mais on ne peut pas être tranquille sur cette plage ? Pierre s’interpose et lui montre que lui aussi est un mâle et que c’est lui le plus fort. Le cygne s’incline et part la tête basse. Soudain, je vois quelque chose arriver depuis le large et foncer en ma direction, formant un large V dans l’eau. Ça fonce à toute vitesse. Qu’est-ce que c’est ? Nous battons retraite comme des poules mouillées. Épeurés. La chose nous capte et change de direction. C’était Jojo qui revenait vers son caillou avec une proie dans la gueule. Un petit poisson noir. Désorienté, il se retrouve sur la plage et nous fait une démonstration de gobage de flamby pour notre plus grand plaisir. Avant de se cacher sous les cailloux pour digérer une petite semaine. Spectacle.

Après toutes ces émotions, l’ambiance n’est pas vraiment à la baignade. Nous nous rafraîchissons un peu au bord de l’eau, à bonne distance de Jean-Claude d’un côté et de Kikinette de l’autre. Nous mouillons l’intégralité de nos vêtements avant de reprendre la marche , retourner au camping-car et gravir la colline jusqu’à l’abbaye et son panorama nord. Toujours sous un soleil de plomb.

Face nord, la vue est splendide. Immense. Bleu glacial. Et toujours ponctué de voiles blanches. Ce lac est vraiment magnifique. Mais nous devons changer de spot pour ce soir. D’abord il n’est pas trop autorisé de rester la nuit là où l’on est stationné. Ensuite tout le monde a très envie de se baigner vraiment. Sans serpents. Avec Pierre nous choisissons un stationnement gratuit et quelconque près d’une plage payante, à partir de 19h, nous savons maintenant que l’entrée en devient gratuite. Le stationnement est sale, tant pis. Filons à l’eau. La plage est plutôt agréable, peu de monde à cette heure tardive. Et l’eau toujours incroyablement chaude. Température de l’air 27°C. Température de l’eau 28°C. Le pied. L’obscurité avance. Le bleu Balaton devient rose puis mauve. Nous sommes rafraîchis. Rentrons.

Au spot, l’ouverture des fenêtres a provoqué une invasion d’éphémères. Les pauvres tombent morts dans nos assiettes de mămăligă. Moustiquaires fermées nous crevons de nouveau de chaud. Notamment dans la capucine, privée de sa petite fenêtre. Sur la plage, un film en plein air démarre nous offrant généreusement tous ses bruits et dialogues en hongrois. Ce spot était un mauvais choix.

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