Mardi 16 août 2022. Zărnești, Roumanie. Le jour tant attendu de la visite du sanctuaire des ours « Libearty » est enfin là. La visite que nous avons réservée est à 9h. Encore un matin au levé rapide. Plus facile pour certaines que pour d’autres.
Liberty Bear, le sanctuaire des ours
Le sanctuaire des ours « Libearty », en Roumanie, est le plus grand du monde, 80 pensionnaires qui disposent d’espaces immenses où ils vivent en semi-liberté. Ici sont recueillis tous les ours maltraités, abîmés, trop vieux ou gênants. Notre guide nous raconte une à une leurs histoires. Chaque ours a un nom.
L’ours utilisé comme attraction
Ces ours recueillis ont généralement été utilisés comme attraction proche des hôtels, des restaurants, des stations-services pour amuser la clientèle. Certains proviennent de zoos. Et d’autres ont été utilisés dans les cirques ou par des « montreurs d’ours » sur les sites touristiques.
Un ours, une histoire, des souffrances
Il y a le gros Bolik, un ours arrivé depuis 15 jours et qui vivait en captivité près d’un complexe hôtelier en Ukraine. Puis Marko qui protège la petite Maria, une ourse aveugle. À notre passage, il vient s’interposer entre elle et nous. Notre guide nous demande d’avancer, de les laisser tranquille. Il y a Betsy, une ourse de cirque qui était obligée de faire le clown en culotte à paillette. Avec Dandy, qui avait appris à faire de la bicyclette pour amuser son public.
Il y a aussi Roxana, qui a passé quinze ans sur une plage de la mer noire pour que les touristes puissent se prendre en photo avec un ours. Imaginez un ours sous la chaleur écrasante d’une plage. Il y a Max, qui avait la même fonction pendant neuf ans à Sinaia, près du château de Peleş. Pour qu’il ne soit pas agressif envers les touristes, on lui mettait du poivre dans le nez, on lui avait coupé les griffes et limé les dents. On lui mettait des poids aux pattes pour qu’il ne bouge pas trop. Et pour qu’il n’ait pas peur des flashs des appareils photos, on lui a piqué les yeux avec une aiguille, ce qui l’a évidemment rendu aveugle.
Détenir des ours capturés à l’état sauvage n’est devenu illégal en Roumanie qu’en 2005. Alors que l’espèce est strictement protégée par la convention de Berne depuis 1993.
Les ours de zoo
Il y a aussi ces ours de zoo. Oui, il faut aussi secourir les ours de zoo… Il a fallu récupérer ceux dont les établissements ont été fermés suite à l’entrée dans l’Union européenne du pays car ils ne disposaient pas des conditions de vie suffisantes pour respecter les conditions requises par les traités européens. Il y a encore ceux qui sont aujourd’hui trop vieux pour amuser les visiteurs, et trop coûteux en soins de santé.
Dans certains zoo, les animaux sont nourris pour faire le spectacle, au détriment de leur santé. Ils deviennent beaucoup trop gros pour leur espèce, comme Max qui avoisine les 500 kg. Il y a aussi la petite Lou, une jeune ourse qui avait trouvé bien plus sympa de venir se nourrir à un restaurant de viande grillée situé dans la forêt, plutôt que de manger des feuilles, fruits, graines et champignons comme le font les ours normaux, avec un peu de chasse pour compléter. Les propriétaires du restaurant excédés avaient appelé le sanctuaire, « Soit vous la récupérez, soit on la tue ».
L’homme, plus grand danger de l’ours
L’objectif du centre est de sensibiliser les visiteurs, notamment les jeunes générations. L’ours, pour survivre, doit toujours garder la crainte de l’homme, afin d’en rester éloigné, pour ne pas être soustrait à son milieu naturel et utilisé à des fins récréatives, dans des conditions de captivité maltraitantes. Dans les situations que nous avons pu vivre face à des ours mendiants lors de la descente du lac Sainte-Anne et récemment sur la route longeant le lac Vidrulu, il est important de ne jamais leur donner à manger. Au minimum ils courent le risque de se faire percuter par une voiture.
Maya, et la génèse du sanctuaire « Libearty »
Et puis il y a Maya, enfermée depuis combien de temps dans une cage de la cours d’un hôtel de Bran en 1998. Le sanctuaire n’était pas encore créé, pendant quatre années on a essayé de la nourrir, de lui apporter les soins adaptés. Elle a fini par s’auto-mutiler la patte et est morte dans les bras de Cristina Lapis, qui s’est promis de construire un lieu pour recueillir les ours maltraités. C’était en 2002.
Hébergés dans un parc forestier de près de 70 hectares, les ours secourus peuvent exprimer leurs comportements naturels : rechercher leur nourriture, se baigner, escalader et hiberner… Certains mettent plus de temps que les autres à s’acclimater, certains n’ont jamais connus la vie sauvage, d’autres sont en mauvaise santé.
Capucine n’a pas perdu une miette des explications en anglais. Pour Solène et Lison je me suis attachée à traduire autant que possible.
À midi, Lison nous dira « J’ai un plan pour les rêves de ma vie. Quand je serai aux Pionniers-Caravelles (groupe des ados chez les scouts et guides), je ferai un camp à Brownsea, quand je serai Compagnon (groupe des 17-21 ans chez les scouts et guides), je serai bénévole pour ce sanctuaire. »
En route vers les Maramures
Le reste de la journée ne sera que route. Nous avions prévenu les filles qu’attendre cette visite nous fera prendre un peu de retard sur notre programme. Initialement nous avions prévu de commencer demain la visite des Maramureș. Nous avons sept heures de route devant nous. Nous essayons d’en faire le plus possible aujourd’hui. Il nous faut traverser tout le pays, la Transylvanie, ses petites plaines et ses petits cols. Nous croisons encore quelques forteresses saxonnes.
Avant de changer complètement de style d’architecture rurale pour retrouver les maisons basses à tuiles de terre, mais toujours aussi colorées et coquettes. Une pause déjeuner dans un village où l’on perd encore une fois le chat. 20 minutes de recherche, ça fait marcher, disons que c’est bien aussi. Il est juste endormi à côté du camping-car, sous un buisson de saule. Une autre pause près d’un jeu d’enfant. Les filles auront été très sages et patientes.
Nous commençons à nous enfoncer dans les vallées étroites des Carpates du nord de la Roumanie sous une forte pluie. Peu à peu certaines maisons sont en bois, avec des toits en petites tuiles de bois. Un portail sculpté en haut d’un petit col. Nous entrons officiellement dans les Maramureș. La patience des filles est terminée, ça se chamaille dur. « Et gna gna gna, elle m’a cherché, mais elle m’a regardé ! CHÉ !… » C’est toujours un peu le même refrain quand ça déraille. Nous arrivons à garder notre calme.
Monastère de Moisei
Nous nous arrêterons pas loin de notre objectif, le parking d’un monastère. Il est sale mais la vue est très bien. Allons visiter. Le chat nous suit, comme il a l’habitude de faire.
Dans un monastère, c’est un peu gênant. « Les filles, faisons comme si ce n’était pas notre chat ». Nous pouvons pas vraiment l’empêcher de nous suivre sauf à l’enfermer dans le camion, lui aussi a besoin de se dégourdir les pattes. Comme il est toujours à une certaine distance de nous, ça va passer inaperçu. Il nous suit quand même partout, il rentrerait bien lui aussi dans les églises.
Voilà un monastère traditionnel, avec une très vieille église en bois qui est de toute beauté. Il reste les décorations de la fête de Marie qui s’est déroulée hier. Le tour est vite fait et il se remet à pleuvoir.
Pour se rattraper, les filles décident de cuisiner. L’ambiance est à la rigolade et le sketch de Capucine est bien plus important que la préparation réelle et efficace du repas. Couper les oignons, masque de piscine sur les yeux et rires aux larmes.
Les ours mendiants
En Roumanie nous avons fait plusieurs fois la rencontre d’ours. Pour certains nous les avons aperçus de façon fugitive au passage d’un virage routier – ils se cachaient dare-dare, d’autres vus à bonne distance dans les champs ou au bord de rivière en contre-bas. Un à Firtos traversant le terrain de Bertha et Feri, un autre s’approchant d’une fontaine. Puis ceux que nous avons pu filmer étaient des ours mendiants, en descendant le lac Sainte-Anne ou au bas de la route Transfagarasan, lieux hautement touristiques. Ils s’approchent de l’homme sans peur pour quémander la nourriture. Nous ne les avons pas nourris. Nous avons pu observer certains comportements étranges de nos congénères les êtres humains : lancer de biscuits d’apéro, ou faire un geste brusque ou menaçant…
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