Mardi 24 mars 2020. J256. Măcin, Roumanie. Il fait très très froid en Roumanie en ce moment. Ici, quelques rayons percent le soleil mais plus loin, il neige. Ce matin, la température est glaciale dans l’Emile-Pat. Et impossible d’allumer le chauffage, le vent s’engouffre dans la cheminée et les sécurités coupent tout. Pas le choix, il faut tourner l’Emile-Pat dans l’autre sens.
La solidarité continue
Aucune solution n’est encore arrêtée pour nous confiner quelque part alors nous continuons à échanger avec tous ceux qui nous ont proposé leur aide. Aujourd’hui, nous avons reçu encore deux nouvelles propositions. Une famille est disposée à nous prêter son jardin à Snagov, au nord du Bucarest. Une autre à Cluj-Napoca. Une autre nous prête une maison à Timisoara. Cette solidarité est incroyable. Mais je redoute l’arrêt plus que tout. Une semaine serait bénéfique pour se reposer. Deux semaines serait faisables. Mais trois ou quatre semaines… Ça me paraît être une éternité. L’idée m’attriste éperdument. Être arrêtés, il le faudra bien, mais le plus tard sera le mieux. Aujourd’hui, poursuivons notre chemin vers l’ouest, vers les volcans de boue, mais tout en restant à distance raisonnable de Bucarest et cette famille de Snagov. Au cas où.
Le bac de Braila
Après l’école nous prenons donc la route. Une route qui nous mène vers le bac de Braíla, le seul passage possible pour traverser le Danube. Pourquoi n’y a-t-il pas un pont ici ? Le passage s’avérera folklorique… D’abord nous arrivons derrière une très longue file de poids lourd. Quelqu’un nous fait signe de doubler tout le monde. Nous qui n’aimons pas nous faire remarquer… Nous doublons donc contraints. En effet, les petits véhicules montent en premier sur ce bac. Mais pour l’instant, ce sont les poids-lourds qui sont déchargés. “Pourquoi tanguent-ils comme ça les camions ?” demande Capucine. Nous observons. C’est le passage de la marche entre le bateau et le quai flottant qui est laborieux. Trois camions sont déchargés, puis c’est au tour des camionnettes et petits véhicules. Immédiatement après, nous sommes invités à monter à notre tour. Le chargement ne traîne pas et tout le monde se stocke à l’avant du bac. Un premier poids-lourds avance, le bac s’enfonce dans l’eau d’au moins dix centimètres. Un second passe la marche sans difficulté, le bac s’enfonce d’encore dix centimètres. Comment va faire le troisième ?… Le placeur fait signe au second camion de s’avancer au maximum, faisant pencher le bac à bâbord pour remonter le tribord au niveau du quai. Nous retenons notre respiration. Le troisième poids-lourd peut s’avancer, rééquilibrant l’ensemble. Le bac peut démarrer, ça va aller, il n’y a que quelques mètres à parcourir jusqu’à l’autre rive. Sauf que… Sauf qu’aujourd’hui le vent souffle sur le Danube et forme des vagues. Non pas des vaguelettes, mais de vraies vagues de plusieurs dizaines de centimètres de hauteur, peut-être 50 ou 70 cm, qui viennent frapper le bac sur son côté et nous faire tous tanguer. Ça va aller, il n’y a que quelques mètres à parcourir jusqu’à l’autre rive. Sauf que… Il faut les décharger ces poids-lourds et notre bac est trente centimètres en dessous du quai. Troisième poids-lourds se recule, mais se recule en mettant ses dernières roues vraiment au bord du bateau, il fait pencher tribord pour remonter bâbord, second camion sort laborieusement, bac remonte, premier le suit aisément, bac remonte, troisième s’en va enfin, bac est revenu au bon niveau et nous pouvons à notre tour nous carapater. Ouf.
Pendant la traversée, les filles, fascinées par cette petite aventure, ont immédiatement construit un bac en légos, ainsi qu’un camping car et qu’une multitude de gros camions et petites voitures, et s’amusent à reproduire la scène en se bidonnant comme des camionneurs. Ça les fera jouer ensemble toute la journée.
Vers les volcans de boue
Nous sommes arrivés à Braila pour déjeuner, mais pas question de s’arrêter en ville. Nous poursuivons un peu pour rejoindre la campagne, l’entrée d’une ferme abandonnée. Qu’importe, il ne s’agit que d’un arrêt déjeuner, dehors il fait beau mais le vent très froid ne nous donne aucune envie de sortir. Nous n’arriverons pas ce soir aux volcans de boue, trop de route. Nous devons trouver un spot en plein milieu de ces infinies étendues cultivées. Pas simple. Sur la carte je repère une forêt. Une forêt ? Comment est-ce possible, l’horizon est tellement plat qu’on devrait la voir à des kilomètres à la ronde ? En fait oui, il y a bien une forêt dans une zone qui encadre les méandres de la rivière Braila, en contre-bas des plaines. La route qui y mène est pleine de cul-de-poules et personne ne passe par là. Nous serons tranquille, cachés au bord d’un chemin forestier.
Gaël nous appelle. “Nous vous attendons chez nous, quand voulez vous venir ?” Nous lui expliquons que le plus tard sera le mieux. Mieux informé que nous, il nous prévient. “Il se dit que le confinement va être durci, et qu’ils vont déployer l’armée pour contrôler les déplacements.” Entendu. Nous le préviendrons quand nous aurons décidé de le rejoindre.
Une promenade, les arbres sont en fleur, les rives de la rivière sont en sable. Lison reste dehors pour tailler quelques bouts de bois. À l’intérieur, ça prépare le repas. Avec Capucine, nous essayons de faire quelques chose de cette farine de maïs que nous avons acheté par erreur. Nous retentons un pain à la poêle, pas fameux. “Hum, ça sent le pané du poisson pané !” Heureusement que les filles aiment.
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