A Belfast, écrire “love” sur le mur de la paix

Mardi 13 août 2019, J43.

Traversée de Carinryan vers Belfast

6 heures, Pierre et moi sautons du lit, habillés, sacs prêts, nous démarrons pour nous présenter à l’embarquement de Cairnryan vers Belfast. Ebêtées, les filles émergent en se demandant ce qu’il nous arrive. Nous les habillons en entrant dans le ferry et elles se retrouvent pas tout à fait réveillées, coincées entre les camions stationnés autour de nous dans la cale du navire. Nous voulons nous installer les premiers dans les salons pour être sûrs de trouver une prise électrique libre. Nous trouvons notre bonheur dans la salle de restaurant et c’était quasiment la dernière. L’appareil branché, nous pouvons sortir lait et biscuits pour nourrir nos enfants. Tout autour de nous, c’est saucisses, œufs et haricots blanc au menu…

Avec un peu de sucre dans le ventre, nous voyons nos enfants allumer leurs moteurs. “Papa, est-ce qu’il y a une salle de jeu pour les enfants dans le bateau ?” Ça y est, Lison est complètement réveillée. Nous les abandonnons devant un dessin animé et filons bloguer en amoureux tout en gardant un œil sur l’océan. C’est quand même bien agréable quand une nounou-écran-plat nous libère quelques instants. Sauf qu’avec nos enfants, ça marche un moment mais pas pendant les 2h15 que dure la traversée. “Maman, je m’ennuiiiie” râle Capucine. Je les connais quand même un peu mes loustics et j’avais prévu le coup en prenant une poignée de jouets. Alors elles s’installent, s’étalent, coloriage, Uno, Puzzle,… Et petit livre de “Little Seal” acheté la veille que je leur lis en anglais puis en français. Trop fière !

Ainsi, la traversée passe vite et nous faisons nos premiers tours de roue sur le sol irlandais (du nord). Nous sommes enthousiastes et épuisés. Nous trouvons un chouette spot pour se stationner, encore un slipway, un parking aménagé pour mettre son petit bateau à l’eau. Nous avons vue sur la rivière Lagan. Chouette.

Première urgence : prendre une douche et faire une sieste. Les filles nous laissent nous reposer en poursuivant leurs histoires de Nino le petit cheval, leur jeu du moment. Nous arrivons à partir à la découverte de cette ville avant midi, 30 minutes de marche et nous pique-niquons dans les jardins de l’hôtel de ville. Il fait très beau. Le fond de l’air est frais. Bienvenue à Belfast !

Protestants, catholiques, unionistes, nationalistes, loyalistes, ….

Beaucoup de vocabulaire : qui est qui, qui affronte qui, depuis quand, et quels problèmes s’entremêlent, pourquoi ? Ce qui nous intrigue et nous intéresse dans cette ville, ce sont ces quartiers catholiques et protestants qui se sont affrontés dans un passé proche. Shankill et Falls.

Les “murals”

Et les multiples “murals”, ces peintures de rue, qui expriment les fiertés et les combats des deux camps. À l’office de tourisme, nous ne trouvons pas le guide à ce sujet que le Routard recommande. Nous demandons. Il n’existe plus. L’hôtesse se met alors à nous expliquer sur un plan comment sont organisés les quartiers. Nous sentons une vraie envie de nous faire comprendre quelque chose qui n’est en réalité pas la fierté de la ville. On ne promeut pas cette visite à l’office de tourisme. Mais cette dame nous livre ses explications avec beaucoup de sincérité. Les deux quartiers sont encore fermés tous les soirs par de grandes et affreuses portes. Les “troubles”, comme disent pudiquement les gens d’ici, bien que passés depuis les accords de paix de 1998, laissent planer une tension.

Équipés de notre carte gribouillée, nous accédons à Falls, tout près d’ici, le quartier catholique. Premier choc. L’école primaire Sainte Marie est bunkerisée. Grilles, cadenas énormes, et encore grilles aux fenêtres. Comme peut-on éduquer des enfants dans quelque-chose qui ressemble à une prison ? Quels risques courent-ils s’ils n’avaient pas toutes ces protections ? Nous sommes en 2019, au Royaume-Uni, en Europe. Plus loin, le quartier est mignon, propre et bien entretenu. Nous trouvons le mur qui rassemble des dessins à propos des combats internationaux. Il nous manque beaucoup de culture générale pour tout comprendre… Un dessin retient mon attention, celui des drapeaux d’Irlande et de Catalogne qui se serrent la main. Les catholiques irlandais sont plutôt pro-européen et veulent quitter le Royaume-Uni pour ne faire qu’un pays avec l’Irlande et rester dans l’Europe. Un combat pour l’indépendance vis à vis de leur nation administrative qui les rapproche de celui des Catalans.

À quelle heure ferment les grilles de Belfast ?

Un peu plus loin, nous tombons nez à nez avec l’une de ces grandes portes métalliques surmontées de piques pour séparer les deux quartiers. C’est glaçant. Elles sont fermées tous les jours de 20h le soir jusqu’à 8h du matin. Heu… nous sommes garés dans quel quartier ?

“Peace wall”, le mur de la paix

Les deux quartiers ne diffèrent pas que sur les pratiques religieuses, mais aussi par leurs idées politiques. Ils sont séparés par une rue complètement vide, bordée du côté catholique par un haut mur, le mur de la paix recouvert de murals et d’oeuvres street-art recouvertes d’inscriptions de paix et d’amour, et par de grandes grilles côté protestant derrière lesquelles nous pouvons voir les pavillons coquets avec jardins entretenus, pelouse, balançoires. Et l’Union-flag partout. Ici, on est protestants et fidèles au Royaume-Uni. La rangée d’arbre coincée entre les deux quartiers parait bien seule et triste : comme si la liberté et la raison se trouvaient au milieu, là où il n’y a personne.

Les black-taxis

Un black-taxi est en train faire distribuer des marqueurs à des touristes. Si la ville ne promeut pas cette histoire, les black-taxi se chargent de faire faire la visite. Je lui demande s’il veut bien nous prêter un marqueur. Il accepte avec joie. Et nous voilà à notre tour écrire love et nos noms sur le mur de la paix de Belfast.

Retour au dans les quartiers plus sympas du centre ville pour un petit goûter gourmand avant d’affronter les trente minutes de marche qui nous séparent de L’Emile-Pat’. Lorsque nous y arrivons, Capucine me signale que la porte latérale est grande ouverte. Ça y est, nous nous sommes faits braquer ? L’espace d’une seconde je me dis qu’il est aussi possible que nous soyons partis ce matin en laissant la porte ouverte. Nous en sommes tout à fait capables… Vérification, tout est là, ouf. Nous sommes partis ce matin en laissant la porte ouverte. Nous sommes gardés par notre bonne étoile.
Ce soir, c’est Papa qui cuisine : le petit lieu pêché samedi accompagné de petits pois carottes. Un délice.

Les murs du présent, les murs du passé

La séparation des quartiers catholiques et protestants la nuit constitue bien un mur pour éviter les affrontements. Les premiers barbelés pour séparer les quartiers de Shankill et de Falls ont été posé par les britanniques en 1969. Cela de façon très temporaire car ils ne voulaient pas de mur de la honte ; depuis cinquante trois ans donc. Par le passé, pour d’autres raisons le mur de Berlin lui est resté en place pendant vingt-huit ans.

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Une réponse à “A Belfast, écrire “love” sur le mur de la paix”

  1. Avatar de Maman Claudine
    Maman Claudine

    Très bien la photo des 3 petites ecrivant sur le mur de la Peace Line. La même photo à faire sur le mur de Berlin de la guerre froide… quand vous passerez en Allemagne.

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