Monastère de Rila, des flocons et des prières

Mardi 10 mars 2020. J243. Bulgarie. Hier n’était qu’une journée ratée. Non pas qu’elle ait été désagréable, non. Mais ratée. Le bain du matin ? Pas envie sous cette pluie. La visite d’un petit musée d’ethnographie ? Route coupée par peut-être un glissement de terrain. “No road, no road, big problème !” nous ont signalé plusieurs voitures redescendant. Demi-tour.

D’ailleurs, ce matin aussi Pierre était inquiet de cette quantité de pluie qui continuait à tomber toute la nuit et le matin encore. Encore aux lits, il nous avait déplacé pour sortir les roues de l’Emile-Pat de la boue avant qu’il ne soit trop tard. Notre seule activité de la journée ? Faire les courses. Dans un affreux immense magasin. Corvée. Et qui dit journée pluvieuse, dit journée rouleuse. 1h40 de route pour rejoindre le monastère de Rila caché tout au fond d’une étroite vallée de montagne. Le spot ? Pas terrible. Une grande esplanade avec des restes de chantier d’un côté et des fils électriques au dessus. Pierre se stationne habilement, vue sur la forêt. Et comme un peu de neige reste à terre, tout le monde sort jouer.

Le monastère de Rila

Mais aujourd’hui est un grand jour. Encore un gros point cœur à découvrir. Le mythique monastère de Rila que j’avais découvert dans un autre livre, “Le temps d’un rêve en famille, trois ans autour du monde en camping-car”. Un voyage qui, dans le livre, commence… ici, au Monastère de Rila alors que l’auteur découvre sidéré que l’icône qu’une sœur lui avait donné “pour le protéger” trois ans plus tôt en Amérique du Sud provenait du monastère de Rila où il venait d’amener sa famille tout à fait par hasard. Le genre de hasard qui semble tout à fait venir du ciel. Voilà quelle image j’avais du lieu. Un endroit qui protège les voyageurs.

Hé bien nous avons été gâtés. L’esplanade qui nous sert de jardin est en réalité à quelques pas du monastère, nous offrant une jolie balade dans la forêt. Et de surcroît, au moment où l’on prend le départ, il se met à neiger doucement. Le paysage sombre et renfermé va petit à petit revêtir un manteau lumineux. Nous entrons par la porte est, et voilà, nous sommes béats devant la particularité du lieu. Des fresques multicolores décorent l’entrée. De longues arcades rayées blanches et noires composent l’intérieur de la cour. Quelques décors de fleurs et de monstres.

Et au centre, l’église orthodoxe aux murs rayés et aux icônes colorées. Le mélange est surprenant, atypique. Parfois purement orthodoxe, parfois d’inspiration montagnarde, et ces zébrures… ne ressemblent à rien de connu.

Référent spirituel de la Bulgarie

Le monument est caractéristique de la Renaissance bulgare (XVIIIe et XIXe siècles) et symbolise la prise de conscience par les Bulgares de leur identité culturelle après des siècles d’occupation ottomane. Les bâtiments, tels que nous les voyons, ont été construits en 1817-1819 mais furent ravagées peu après par un incendie. Trois parties ont été reconstruites  en 1834 et la partie au sud un peu plus tard. Au total, le monastère dispose de plus de 300 cellules de moines, aujourd’hui en partie habitées.

Le monastère de Rila a été fondé par Saint Ivan (Jean) de Rila vers l’an 930, mais il fut réellement développé en 1335 par le féodal Stéfan Dragolov connu sous le surnom Khrélyo. Khrélyo bâtit l’église, les habitations des moines et la tour défensive à l’intérieur du monastère qui porte toujours son nom. Il dédia le monastère à Saint Ivan de Rila et à Sainte Marie. Les moines demandèrent la protection du monastère russe Saint Pantélée, situé au mont Athos en Grèce, et durant les siècles d’occupation ottomane de la Bulgarie, le monastère a toujours bénéficié de la protection, tant bien que mal, des rois Russes et les voïvodes Moldaves.

Le monastère fut très actif dans l’opposition contre les tentatives des églises catholiques et protestantes de s’établir en terre bulgare. En 1860, profitant de relations tendues entre les Bulgares et Constantinople, des catholiques et des protestants entrés en nombre en Bulgarie ont essayé de convertir la population des grandes villes. Ils distribuaient leurs livres, traduits en bulgare, et ouvraient leurs propres écoles religieuses. Troublés par cette interprétation nouvelle de la foi chrétienne, les habitants ont fini par envoyer des lettres au monastère de Rila, demandant aux moines de leur venir en aide pour débattre avec les nouveaux prêtres et calmer les esprits dubitatifs de leurs concitoyens. Les moines ont dû bien faire leur travail car ni le catholicisme, ni le protestantisme ont réussi à s’implanter en Bulgarie.

L’église et le musée de Rila

Nous déambulons lentement sous les arcades du cloître et de l’église. Il y a tellement de détails à scruter. Solène, elle, se fiche bien de la beauté du lieu. Elle s’est installée au milieu de la cour, dans la neige et joue seule. Pour une fois qu’elle ne dort pas pendant une visite… Lison quand à elle, s’est cachée dans l’église pour dessiner. Un petit musée expose les trésors que le monastère a précieusement conservé à travers les siècles troublés. Calices, manuscrits, habits de célébration, croix, tapisseries,… Nous apprécions de nous mettre au chaud un moment. Le clou de l’exposition, la croix de Raphaïl, une croix finement sculptée dans le bois par le moine  durant 12 années, entre 1790 et 1802. La légende dit que lorsqu’il avait terminé son œuvre il avait presque perdu la vue.

La Poste du monastère de Rila

Quand nous ressortons du petit musée, la neige recouvre tout le lieu et l’on s’affaire dans la cour à balayer quelques passages. Un arrêt à la poste. Oui, il y a un service de poste dédié au monastère. Une minuscule cahute encombrée. Avec Solène, depuis le début du voyage, nous ramassons des graines pour sa maîtresse car elle porte un projet de plantations à l’école. Il est maintenant largement le temps de les lui envoyer. Les poster depuis le monastère de Rila, c’est improbable quand même ! Bon, encore faut-il savoir écrire “France” en Bulgare. Ça va, j’y suis arrivée. Un passage à la boutique pour trouver quelques petites icônes de poches. Peut-être serons nous gardés sous leur protection ?

Nous retrouvons notre maison, elle aussi recouverte. La séance bonhomme de neige est irrésistible, et ce, malgré l’heure bien tardive pour déjeuner. Nous sommes bien dans notre forêt enneigée. Après le repas, nous étudions le programme des jours à venir. Une excursion aux sept lacs de Rila ? L’idée nous tente beaucoup tellement la beauté des lieux est réputée. Le temps s’annonce beau. Quelle altitude ? Plus de 2000 mètres… Heu sous la neige, on ne verra pas les lacs ? OK, laisse tomber l’expédition. À nous Sofia !

Que faire, que voir à Sofia ? Nous l’étudions, calons un itinéraire de balade entre lieux de culte et marchés et retenons la visite du musée d’archéologie pour éclairer son histoire thrace, grecque et romaine. Où dormir ? Nous optons pour une aire de camping car qui aura l’avantage de réunir sécurité, accessibilité et lave-linge au même endroit. Pour dix euros la nuit, pas la peine de rechercher un parking gratuit en ville, c’est moins cher que le coût d’une laverie. D’ailleurs, il n’y a pas de laverie à Sofia.

Préparation du programme à venir

Nous étudions aussi le programme des jours suivants car jeudi, c’est l’anniversaire de Lison et notre aventurière a exprimé l’envie de faire de la spéléologie. Allez trouver une expédition spéléo dans un pays inconnu… C’était notre défi. Sur internet, impossible de trouver le moindre club de spéléologie en Bulgarie. Je trouve un contact, sur Wikiloc, l’encyclopédie de itinéraire de randonnée du monde, d’un bulgare qui a référencé trois excursions souterraines dans son pays, dont l’une, à Lakatnik, facile et sur notre route. J’envoie un mail comme on lance une bouteille à la mer. Ogy me répond très vite dans un anglais impeccable. Oui Lakatnik est adapté à un enfant de huit ans, et l’homme passionné nous propose de nous accompagner, gratuitement. Doutes, est-ce quelqu’un de fiable tout de même ? Par principe, nous ne voulons pas avoir peur des inconnus mais nous restons prudents. Ogy possède un site web à son nom, tout en bulgare. Après traduction, nous comprenons qu’il est blogueur. Il vend sur son site des tests d’utilisation de matériel de randonnée aux fabricants. Surprenant. Sur son site, sa biographie. Formation spéléologie, ancien président du club de spéléologie de Sofia, guide touristique agréé et maintenant animateur de camp d’été et de sorties nature pour les enfants. C’est fou les rencontres que l’on peut faire !… Quelques échanges mail, l’homme nous paraît professionnel et sympathique. Faisons confiance. Rendez-vous à Lakatnik vendredi !

En route vers Sofia

Arrivée à Sofia, Pierre quitte la belle rocade et s’enfonce dans un affreux quartier de hauts immeubles décrépits, sales et carrément glauques. “Nous sommes arrivés” me dit-il. Gros doute… Pourtant l’aire de camping car est très bien notée sur Park4night ?… Nous trouvons l’endroit, un chemin boueux s’enfonce derrière la station service, un portail, un homme nous ouvre, nous débarquons dans l’arrière-cour d’un atelier qui est aussi le jardin des propriétaires du lieu. Une femme souriante nous accueille avec un anglais primaire. Elle nous installe en face d’un joli graffiti d’oiseaux et nous fait faire le tour du propriétaire. Habituellement, c’est son mari qui accueille les visiteurs mais en ce moment, il est malade. En passant, nous voyons l’homme sur son lit derrière sa fenêtre.

Charmant. Nous sommes carrément dans le jardin de ce couple. Une table d’extérieur, un fil à linge, un potager abandonné. Et de beaux graffitis pour égayer l’endroit. Le métro est juste là, nous dit-elle en montrant le tube en l’air qui passe à proximité de son jardin. Surprenant mais accueillant, nous serons bien ici.

Sauf que… Il y a bien un lave-linge à disposition mais pas de sèche-linge. Dilemme. Je sèche où ? Je sèche quoi ? Je fais pas ? J’opte pour un tri drastique du linge sale et tente une petite lessive et séchage dans l’Emile-Pat. Je tends des fils en travers de la salle de bain, insuffisants. Je dois étendre chaussettes et culottes sur les barres des volets roulants. Charmant. Je déteste ça, avoir du linge partout. Chauffage. Prions pour que ça soit sec demain.

Monastères et couvent orthodoxes

Sur notre route nous nous sommes arrêtés au couvent de la Pantanassa à Mystras. En Grèce également, il ne faut pas rater les monastères des Météores perchés sur leurs reliefs. En Bucovine, au nord-est de la Roumanie, sont établies de nombreuses communautés, comme celle du monastère de Voronet.

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3 réponses à “Monastère de Rila, des flocons et des prières”

  1. Avatar de Mamicodine
    Mamicodine

    Bonne idée pour les bonhommes de neige en matriochkas ! Toute la famille quoi. On a été ravis de vous voir par WhatsApp à l’occasion de l’anniversaire de Lison qui n’a toujours pas perdu sa langue … et on attend plus de précisions sur votre descente sous terre ! Continuez à nous faire rêver et voyager, nous qui sommes confinés dans des espaces réduits. On essaye de tenir bon dans cette guerre épidémiologique qui on espère, ne vous atteindra pas. Entourez vous d’icônes et tout ira bien !

  2. Avatar de Creusoise
    Creusoise

    Bonsoir, toujours aussi contente de vous suivre !
    Bon anniversaire à lison !
    Les frontières se ferment … Quitte à devoir rester plusieurs semaines quelque part vous ne préféreriez pas être ailleurs ?

    1. Avatar de Pierre
      Pierre

      Merci,

      Nous sommes passés en Roumanie, nous allons à priori y rester un certain temps. Puis nous verrons l’évolution. Tout bouge tous les jours.

      A bientôt

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