Mercredi 20 novembre 2019. J143. Espagne, Torrevieja. J’avais prévu de faire un chouette article sur cette lagune toute rose à cause d’une algue qui lui donne un ton de couleur tout poétique. Nous nous y sommes garés hier alors qu’il faisait déjà nuit, impatients que le jour se lève pour la découvrir. Dès le réveil, les filles ont ouvert leurs rideaux et se sont exclamées “Mais elle n’est pas rose ta lagune, Maman !”
Oui, effectivement, vu du camping-car, elle n’est pas rose du tout… Il nous faudra aller voir ça de plus près, voir même sortir les grands moyens, voir si vue du ciel, elle est fidèle à sa réputation.
Après une séance école qui déraille complètement ce matin, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, nous filons respirer l’air de cet espace naturel. Espace naturel bien mal en point. Pourtant protégé par une législation de type “parc naturel”, la zone humide est complètement malade des déchets de l’Homme.
Nous sommes à quelques enjambées de la mer et le territoire est très très urbanisé. L’accès à la lagune donne envie de vomir. Nous l’explorons tout de même, plus loin, après avoir franchi plusieurs flaques de boue, l’environnement est bien moins sale. Un décollage du drone confirme l’hypothèse. Aujourd’hui, la lagune est bien rose vue du ciel. La photo est belle. Mais la réalité l’est beaucoup moins.
Mula, et la coopérative BioEspuña
Rencontre avec Cristóbal
À 16h nous avons rendez-vous avec Cristóbal de la coopérative BioEspuña, un groupement de producteurs de fruits auprès desquels nous commandons chaque hiver plusieurs cartons d’agrumes. En Aveyron, l’association des Locomotivés organise une commande groupée et Alberto, le frère de Cristóbal, vient livrer ses fruits, oranges, mandarines, pomélos,…
Chaque année, c’est pour nous une joie de recevoir nos cargaisons de vitamines et de s’offrir le luxe d’une orange pressée le matin. Aujourd’hui, nous avons l’immense chance de pouvoir rencontrer l’un des producteurs, découvrir son environnement et se perdre dans ses parcelles d’orangers.
Ses arbres et ceux de ses aïeux
Cristóbal nous a donné rendez-vous à Mula, son village, dans la région de Murcia. Rapidement il nous indique de le suivre jusque chez lui. Chez lui, c’est en réalité au milieu de ses parcelles. Sa maison est entourée de son verger aux diverses essences. Son petit chien nous fait la fête et amusera beaucoup les filles. Sauf Solène qui s’accroche dans les bras de son Papa. Cristóbal nous parle en espagnol, nous comprenons bien tant qu’il n’utilise pas de termes techniques. Il fait attention et nous explique le travail des fruits avec patience. Son exploitation est passée à l’agriculture biologique il y a 30 ans. Ici, à l’époque, il était bien le seul dans toute la vallée. Maintenant ils sont plusieurs, et de plus en plus.
Cristóbal nous invite à le suivre. Derrière la maison, passé le garage et le petit poulailler bruyant, nous pénétrons dans une parcelle d’orangers comme dans une jungle. Les branches tombent jusqu’à terre formant de grandes cabanes. Les sols sont envahis d’herbe, notamment d’oxalys aux petites feuilles en forme de cœur. Lison les repère de suite et nous offre ces petits cœurs. Les oranges ne sont pas mûres, il faut attendre janvier pour le début de la récolte. Nous observons les différents stades d’évolution des fruits, les oranges, les verts, et les minuscules, ceux de la saison prochaine qui commencent à se former. Ces arbres ont peut-être 30 ou 40 ans. Là, celui-ci est centenaire. Plus loin, le même tronc possède certaines branches qui produisent des oranges, et d’autres des citrons. Une mutation génétique spontanée et inexpliquée. Lison a découvert l’existence des bigaradiers à Séville. Elle demande à Cristóbal s’il en a. Bigaradiers ? Allo Google, comment dit-on bigaradiers en espagnol ? Naranja agria. “Si, tengo un arbol de najanras agrias. ¡ Venga !”. Cristóbal se faufile entre les rangées, enjambe les tuyaux d’irrigation, traverse une parcelle d’abricotiers, replonge sous les orangers et arrive, au bord d’une restanque, à un arbre accroché au mur. Il cueille un fruit. Ici, on en fait de la marmelade !
Environnement et biodiversité
Nous sommes aux alentours de 300 mètres d’altitude, dans une vallée au climat fortement influencé par la mer Méditerranée. Les précipitations moyennes annuelles sont de 300-350 mm (contre 970 mm en moyenne en Aveyron pour comparaison). Les parcelles sont irriguées par égouttement localisé, qui permet un usage de l’eau le plus économe et efficace possible.
Les variétés d’oranges cultivées sont des Navel, originaires de Valence. Grâce à trois variétés différentes, la récolte est étalée de la mi-décembre jusqu’à la mi-mai. Les cultures d’agrumes sont associées à des fruitiers, des oliviers et des légumes. Les haies sont composées d’espèces méditerranéennes comme le laurier, le néflier, l’arbousier, etc… Les différentes cultures et les haies servent à diversifier l’écosystème agraire en favorisant la diversité biologique, et permettent in fine une plus grande résistance aux ravageurs.
La cueillette
Cristóbal nous ravit de ses fruits. Après la parcelle d’orangers, nous arrivons à une parcelle de grenadiers aux fruits rouge vermeil. Ici, la récolte touche à sa fin. Nous pouvons cueillir un fruit, l’ouvrir juste comme ça, en le déchirant, et picorer ses petites graines en forme de diamants grenats. Ce fruit est magnifique. Cristóbal nous demande si nous avons des sacs, nous allons cueillir des mandarines, elles sont mûres, la saison commence. Tote-bags à l’épaule, nous retraversons les parcelles, la maison, derrière quelques kakis, au delà d’une rangée d’oliviers, nous arrivons sur un parcelle de mandariniers. “Hum, ça sent Noël !” s’exclame Capucine. Cristóbal nous apprend comment cueillir les fruits, il faut avoir le bon geste, laisser l’extrémité de la queue sur le fruit. Lison y arrive fièrement. Capucine galère en se bidonnant. Pour terminer, Cristóbal nous entraîne à cueillir des oranges, mais pour cela, il faut trouver le bon arbre, celui qui est précoce et dont les fruits sont déjà mûrs. Nous retraversons la propriété, passons derrière le petit poulailler, longeons le bord d’un autre restanque nous y sommes, c’est celui-là. Solène se régale de cueillir ses grosses oranges à son tour, il faut tirer fort !
Voilà la visite de la ferme est terminée. Mais pas la rencontre ! Capucine tient à faire visiter à son tour sa maison. Le tour est plus rapide. Nous embrassons et remercions chaleureusement Cristóbal. Nos agrumes ont maintenant un visage.
Ce soir, Pierre reçoit un message d’une collègue d’Arvieu : “Nous avons reçu les oranges de BioEspuña, c’est vous qui nous les avez cueillies ?!”. Nous sommes heureux d’avoir fait vivre les liens entre une coop et ses clients.
Le voyage continue
Nous quittons Mula mercredi soir vers 17h30. Vendredi soir, après 8 heures de route, nous devrons être à Barcelone pour embarquer pour la Sardaigne. Notre boucle ibérique se termine. Plus tôt dans la journée, Solène m’avait fait une réclamation avec un aplomb qui m’avait scotché. “Maman, je voudrais pouvoir jouer à un jeu d’enfant, tu sais, c’est très important pour moi”. Alors ce soir, avec la complicité de Pierre, nous tentons : “Les filles, j’ai repéré un très grand et très beau jeu d’enfant sur notre route. Mais pour y aller, il nous faut rouler 2h30, arriver de nuit et nous ne pourrons jouer que demain. Est-ce que vous vous sentez capable de faire autant de route ce soir ?”. La réponse est évidemment oui. Je leur décris le parc, elles sont enchantées. Et nous, nous gagnons la tranquillité sur la route et la sérénité d’arriver tranquillement à Barcelone vendredi. GPS branché direction : le parc de Gulliver à Valence !
20h30, nous sommes arrivés. Solène s’est endormie au moment précis où nous garions le camion, parti pour la nuit… Ce soir j’ai tenté de nous stationner tout près du parc, dans une rue non répertoriée dans Parc4night, entre deux espaces verts, à côté d’une crèche et d’immeubles d’habitation. Le quartier nous semble très bien. Et il le sera, étonnamment hyper calme pendant la nuit alors que nous sommes en plein dans la ville de Valence.
Cueillettes
Nous avons réalisé de belles cueillettes lors de ce voyage. Fruits rouges et champignons à gogo, plantes et fleurs pour notre consommation quotidienne, agrumes en bonus. Voyager, c’est bon !
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